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DU BUDDHISME INDIEN.


se disent : Ah ! voici d’autres êtres nés parmi nous ! Telle est, ô Ânanda, la cinquième cause, la cinquième raison d’un grand tremblement de terre.

Encore autre chose, ô Ânanda. Dans le temps que le Tathâgata fait tourner la roue de la loi, qui en trois tours se présente de douze manières différentes[1], alors, en ce moment même, il y a un grand tremblement de terre. Et ce monde tout entier est illuminé d’une noble splendeur. Et les êtres qui habitent au delà des limites de ce monde [etc. comme ci-dessus, jusqu’à :] se disent : Ah ! voici d’autres êtres nés parmi nous ! Telle est, ô Ânanda, la sixième cause, la sixième raison d’un grand tremblement de terre.

Encore autre chose, ô Ânanda. Dans le temps que le Tathâgata s’étant rendu maître des éléments de sa vie, renonce à l’existence, alors, en ce moment même, il y a un grand tremblement de terre. Les météores tombent [du ciel] ; l’horizon paraît tout en feu ; les timbales des Dêvas retentissent dans l’air. Et ce monde tout entier est illuminé d’une noble splendeur. Et les êtres qui habitent au delà des limites de ce monde [etc. comme ci-dessus, jusqu’à :] se disent : Ah ! voici d’autres êtres nés parmi nous ! Telle est, ô Ânanda, la septième cause, la septième raison d’un grand tremblement de terre.

Encore autre chose, ô Ânanda. Le moment n’est pas éloigné où aura lieu l’anéantissement complet du Tathâgata dans le sein du Nirvâṇa, où il ne reste plus rien de ce qui constitue l’existence. Or, dans un pareil moment, il y a un grand tremblement de terre. Des météores tombent [du ciel] ; l’horizon paraît tout en feu ; les timbales des Dêvas retentissent dans l’air. Et ce monde tout entier

  1. Je trouve relativement à cette manière de faire tourner la roue de la loi, c’est-à-dire de répandre la doctrine, un passage du Mémoire de Des Hautesrayes intitulé : Recherches sur la religion de Fo, qui s’y rapporte directement : « Que ceux qui ignoraient les quatre saintes distinctions, c’est-à-dire les quatre degrés distincts de contemplation, ne pouvaient être délivrés des misères du monde ; que pour être sauvé il fallait faire tourner trois fois la roue religieuse de ces quatre distinctions, ou des douze œuvres méritoires. » (Journ. As., t. VII, p. 167.) Cela revient à dire, si je ne me trompe, que les quatre distinctions, envisagées sous trois aspects différents, donnent la somme de douze points de vue de ces quatre distinctions. Les saintes distinctions de Des Hautesrayes sont probablement les quatre vérités sublimes (Âryasatijâni) dont il sera parlé plus bas, et il est souvent question dans les textes des trois tours qu’il faut donner à ces quatre vérités, sans quoi l’on ne peut arriver à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Je suppose que les trois aspects ou tours sont : 1o la détermination du terme même qu’on examine, terme qui est une des quatre vérités ; 2o celle de son origine ; 3o celle de sa cessation. On trouvera des détails très-précis sur l’expression de faire tourner la roue de la loi, dans une note de M. A. Rémusat. (Foe koue ki, p. 28.) Le seul point que je crois contestable, c’est l’opinion où est ce savant que cette expression dérive de l’emploi que faisaient les disciples de Çâkya des roues à prières si connues chez les Buddhistes du Nord. Je pense au contraire que ces roues, qui sont tout à fait inconnues aux Buddhistes du Sud, n’ont été inventées que pour reproduire d’une manière matérielle le sens figuré de cette expression sanscrite, qui est, comme on sait, empruntée à l’art militaire des Indiens.