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IX
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE M. EUGÈNE BURNOUF.

par la Société Asiatique de Paris, dont M. Eugène Burnouf était secrétaire adjoint, cet ouvrage fut le précurseur de ces nombreux travaux qui devaient faire sa gloire et contribuer à celle de notre pays. Je ne veux pas dire qu’on trouve dans l’Essai sur le pâli toutes les qualités éminentes qui se sont développées plus tard dans le Commentaire sur le Yaçna et dans l’Introduction à l’histoire du bouddhisme indien ; mais dans cette œuvre d’un jeune homme qui avait à peine vingt-cinq ans, on voit déjà le caractère spécial qui marqua les œuvres les plus mûres de M. Eugène Burnouf : l’invention, appuyée sur la méthode la plus rigoureuse et la plus circonspecte.

Que savait-on du pâli en 1826 ? Nommé pour la première fois par Laloubère dans sa Relation du royaume de Siam en 1687, le pâli était si peu connu vers la fin du xviiie siècle, qu’on le confondait souvent avec le pehlvi, langue à demi-sémitique, qui, en Perse, a succédé à l’antique zend. Le Père Paulin de Saint-Barthélemy, plus d’un siècle après Laloubère, avança qu’on ne pouvait comprendre le pâli sans le sanscrit, et il essaya de le prouver par quelques comparaisons qui, sans être fausses, n’étaient ni assez complètes ni assez décisives. Le docteur Buchanan et surtout Leyden, tous deux dans des mémoires insérés aux Recherches asiatiques, tome X, étaient allés plus loin. Le second, surtout, avait montré les rapports incontestables du pâli avec le sanscrit, le prakrit et le zend ; il se proposait d’en faire une étude toute particulière et d’en publier une grammaire, lorsqu’il mourut. Voilà où en était la connaissance du pâli quand M. Eugène Burnouf s’en occupa. C’était comme une énigme qu’on avait tenté de comprendre, et à laquelle on avait renoncé. Il la résolut d’une manière complète et définitive, du moins dans ses données essentielles. Il démontra que le pâli, langue sacrée et savante employée pour la religion du Bouddha à Ceylan, au Birman, à Siam, au Tchiampa, etc., n’était qu’un dérivé du sanscrit ; et que parlé au ve siècle de notre ère et sans doute bien plus tôt à Ceylan, où le bouddhisme avait été introduit mille ans auparavant, c’était de là qu’il avait été transporté avec la religion même dans les pays si divers où on le retrouve aujourd’hui. Cette découverte, car c’en était une, même après les indications du Père Paulin de Saint-Barthélemy et celles de Leyden, était prouvée par une comparaison régulière et lumineuse de la grammaire pâlie et de la grammaire sanscrite. Les règles principales de la dérivation des mots étaient fixées ; et, phénomène philologique assez curieux, le pâli était rattaché au sanscrit par des liens plus étroits encore que ceux qui unissent l’italien au latin. L’atténuation de toutes les articulations un peu fortes est le trait distinctif du pâli, comme elle l’est aussi de l’italien, à l’égard de l’idiome viril d’où il est sorti. Du reste, les déclinaisons et les conjugaisons, ainsi que la syntaxe, sont identiques en pâli et en sanscrit ; les racines sont à peu près toutes les mêmes ; et pour qui saurait l’une des deux langues, il serait facile de passer à l’autre en observant les lois de la transmutation, qui sont d’une exactitude et d’une précision vraiment surprenantes.

C’était beaucoup d’avoir révélé les origines d’une langue aussi répandue que le pâli, et consacrée aux monuments religieux de tant de peuples ; c’était beaucoup