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NOTICE SUR LES TRAVAUX DE M. EUGÈNE BURNOUF.

d’en avoir rendu l’intelligence possible et aisée. Mais M. Eugène Burnouf, lui-même, était fort loin en 1826 de se douter de l’étendue du domaine qu’il venait d’ouvrir. Il ne le sut bien que de longues années plus tard, quand les annales du bouddhisme attirèrent son attention, et qu’il put confronter la rédaction sanscrite des Soûtras bouddhiques du Népâl, au nord de l’Inde, avec la rédaction pâlie qui en avait été faite au sud, à 400 lieues de là, dans l’île de Ceylan. Le pâli dut lui apparaître alors comme un des deux idiomes sans lesquels il est interdit de rien savoir de positif sur la religion du Bouddha. Il dut alors se réjouir d’avoir commencé de si bonne heure et à peu près en même temps ces deux études, qui sont la clef de toutes les autres, et qui devaient entre ses mains produire des résultats si prodigieux. C’est là ce qui nous explique comment il consacra tant de travaux à l’étude du pâli jusqu’à la fin de sa carrière, et comment, si la mort ne l’eût si tôt abattu, il aurait donné au monde savant une grammaire pâlie, dont tous les matériaux se retrouvent presque entièrement terminés dans les manuscrits qu’il laisse.

Mais n’anticipons pas ; je parlerai plus loin en détail de ces manuscrits si précieux et si considérables.

L’Essai sur le pâli révélait donc un grand fait philologique, plein des conséquences historiques les plus importantes ; mais on le devine sans peine, cet ouvrage n’était possible qu’à une condition, qui est la connaissance approfondie du sanscrit. Vers 1820, cette connaissance, assez peu répandue même aujourd’hui, malgré les immenses progrès qu’elle a faits, était excessivement rare. Les secours étaient peu nombreux et peu accessibles, et il fallait un grand courage pour aborder des études qui ne faisaient que de naître. Il est vrai que ces études promettaient beaucoup et qu’elles devaient tenir plus encore qu’elles ne promettaient. Mais ce n’était pas une sagacité commune que de comprendre dès lors tout ce qu’elles renfermaient, et de dédaigner les vaines critiques dont elles étaient trop souvent l’objet. Il y avait encore à cette époque des esprits, d’ailleurs éminents, qui niaient l’existence de la littérature sanscrite, et dont les sarcasmes assez spécieux auraient bien pu refroidir l’ardeur d’un jeune homme. M. Eugène Burnouf, bien qu’il ait plus d’une fois souffert de ces paradoxes extravagants, si ce n’est intéressés, n’en tint aucun compte ; et il fut, dès qu’il le put, un élève assidu de M. de Chézy. Son excellent père lui en donnait l’exemple depuis longtemps ; dès 1817 tout au moins, M. Burnouf le père possédait le sanscrit, et j’ai retrouvé tous ses premiers travaux sous cette date dans les papiers du fils. Ainsi, Eugène Burnouf n’a fait encore en ceci que suivre l’exemple et les enseignements paternels ; et c’est un service de plus que l’auteur de la grammaire grecque aura rendu à la philologie. Je ne voudrais pas prétendre que, sans les conseils de son père, M. Eugène Burnouf, que la nature avait créé philologue, ne fût pas arrivé spontanément à l’étude du sanscrit, vers laquelle tout devait l’attirer. Mais c’est un précieux avantage d’être initié de si bonne heure et par une affection de famille aux labeurs dont on doit faire le but de sa propre vie ; et sans ce guide éclairé, M. Eugène Burnouf aurait peut-être perdu quelque