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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

destination que de reproduire une partie du texte sous une forme ou plus précise ou plus ornée. Mais il y a bien loin de ces stances, qui ne se montrent qu’à de longs intervalles, aux grands développements poétiques des Sûtras développés, qui reviennent régulièrement après chaque partie rédigée en prose, et qui ont pour effet d’introduire par fragments une espèce de poëme au milieu d’un ouvrage dont ce poëme n’est que la répétition. Sous ce rapport, les Vâipulya sûtras qui sont ainsi composés méritent bien leur titre de développés. Je n’hésite pas à croire qu’ils sont en ce point postérieurs à ceux qui rentrent le mieux dans la définition, c’est-à-dire aux Sûtras ordinaires. Ils ne font, ce me semble, qu’appliquer d’une manière plus générale un principe déjà posé dans la théorie d’un Sûtra, tel qu’est celui de Kanakavarṇa. Le développement est ici un indice certain de postériorité ; et sans attacher à la définition chinoise une valeur exagérée, on peut dire qu’entre les deux espèces de Sûtras qui nous occupent, les plus authentiques, et conséquemment les plus anciens, sont ceux où à la simplicité de la forme répond le mérite d’un parfait accord avec cette définition.

Si ces observations sont fondées, elles nous fournissent dès l’abord un caractère certain à l’aide duquel on peut diviser les Sûtras en deux classes : la première formée des Sûtras proprement dits, ce sont les plus simples et très-vraisemblablement les plus anciens ; la seconde comprenant les Sûtras de grand développement, ce sont les plus compliqués et partant les plus modernes. De là il résulte encore que si les Sûtras nommés par les Buddhistes du Nord textes fondamentaux passent pour conserver avec plus de fidélité que les autres livres le dépôt de la parole du Buddha, c’est à la rédaction qui en a été faite, sans doute par des mains diverses et à des époques successives, qu’il faut attribuer l’existence des deux classes de Sûtras que je viens de signaler.

À ce caractère de développement quelquefois exagéré dont il vient d’être question, s’en ajoute un autre qui achève de séparer, en ce qui regarde la forme, les Sûtras simples des grands Sûtras. Les stances introduites dans les premiers de ces traités ne se distinguent pas, quant au langage, du corps même du traité qui est rédigé en prose. Les vers et la prose sont également sanscrits ; mais il en est tout autrement des Sûtras développés : les parties poétiques de ces traités sont écrites en un sanscrit presque barbare, où paraissent confondues des formes de tous les âges, sanscrites, pâlies et prâcrites. J’ai déjà indiqué ce fait quand j’ai comparé la valeur des traductions exécutées au Tibet, dans la Mongolie et en Chine, avec celle des originaux sanscrits du Népâl. Ce fait indique de la manière la plus claire une autre rédaction, et il s’accorde avec le développement des morceaux poétiques où on le remarque, pour témoigner