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DU BUDDHISME INDIEN.

La communauté de titre qui existe entre tous ces traités, les Sûtras, les Mahâyâna sûtras et les Mahâ vâipulya sûtras annonce, on doit le croire du moins, de grandes ressemblances. Cependant l’examen des textes eux-mêmes ne confirme pas entièrement cette présomption. Un Sûtra de grand développement est certainement pour la forme un véritable Sûtra ; il commence et se termine par la même formule ; il est, comme le Sûtra que j’appellerai simple, écrit en prose, avec un mélange de passages versifiés plus ou moins nombreux. Il est encore consacré à l’exposition de quelque point de doctrine, et les légendes y servent de même d’exemple et d’autorité. Mais à côté de ces traits de ressemblance dont la valeur ne peut être méconnue, on trouve des différences nombreuses dont l’importance me paraît de beaucoup supérieure à celle des caractères par suite desquels les Sûtras vâipulyas sont classés dans la catégorie des Sûtras.

Prenons d’abord ce qu’il y a de plus extérieur dans un livre, la manière dont il est rédigé, et nous serons aussitôt frappés de la différence qui distingue le Sûtra simple du Sûtra développé. Le premier de ces traités est écrit en prose ; le second l’est en prose mêlée de vers, à peu près comme les compositions brâhmaniques nommées Tchampû, que j’ai rappelées plus haut[1]. Mais l’analogie ne va pas plus loin, car la partie poétique d’un grand Sûtra n’est que la répétition, sous une autre forme, de la partie écrite en prose ; sauf quelques détails qu’amène naturellement l’exposition poétique, il n’y a pas beaucoup plus dans les passages versifiés que dans les passages prosaïques, et l’on pourrait, à bien peu d’exceptions près, supprimer les premiers sans mutiler l’ouvrage où ils se trouvent. Cette disposition, particulière à tout grand Sûtra, mérite d’être comparée à la définition que donnent les Buddhistes chinois du terme de Gêya, qui signifie, selon eux, « chant redoublé, c’est-à-dire qui répond à un texte précédent, et qui le répète pour en manifester le sens ; il est de six, de quatre, de trois ou de deux phrases. » Je renvoie à ce que j’ai dit précédemment de cette définition[2] ; il me suffit de remarquer ici qu’elle sanctionne en quelque sorte l’introduction d’un petit nombre de stances poétiques dans le corps des Sûtras. La proportion de ces stances avec le texte écrit en prose, telle qu’elle est fixée par les Buddhistes chinois, nous prouve qu’ils n’ont pas eu en vue les Sûtras développés, puisque les parties versifiées de ces Sûtras égalent, quand elles ne les dépassent pas, les parties écrites en prose. Au contraire, la définition chinoise s’applique exactement aux simples Sûtras, dans lesquels se rencontrent en effet des stances peu nombreuses qui n’ont d’autre

  1. Ci-dessus, Premier Mémoire, p. 13.
  2. Ci-dessus, Second Mémoire, sect. I, p. 46 sqq.