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DU BUDDHISME INDIEN.

idéal du Buddha humain Çâkyamuni[1], et qui feraient ainsi remonter jusqu’aux Sûtras et aux Avadânas que j’examine des conceptions qui, à mes yeux, ne paraissent que dans d’autres ouvrages dont il sera parlé plus tard. Mais j’ai vainement cherché ces deux passages dans les deux exemplaires du Divya avadâna qui sont à ma disposition. Je conclus de là, ou que les manuscrits consultés par M. Hodgson sont plus complets que les nôtres, et qu’ils renferment peut-être quelques ouvrages d’un caractère différent de ceux qui y occupent la plus grande place, ou que le titre d’extrait du Divya avadâna a été appliqué à ces deux fragments, par une de ces transpositions typographiques dont M. Hodgson s’est déjà plaint à l’occasion du Mémoire même où il les a insérés. De quelque manière qu’on explique cette difficulté, je persiste à dire que les conceptions signalées tout à l’heure sont tout à fait étrangères aux Sûtras du recueil précité. Quelque attention que j’aie apportée à la lecture de ces traités, je n’y ai pu découvrir la moindre trace de ce vaste appareil mythologique où l’imagination se joue à travers des espaces infinis, au milieu de formes et de nombres gigantesques. Je n’y ai jamais rencontré que les Buddhas, réputés humains, dont Çâkyamuni est le dernier ; et je n’ai même vu nulle part qu’on leur donnât cette qualification de Buddhas humains, tant la conception d’un Buddha qui ne serait pas un homme parvenu au plus haut degré de sainteté est hors du cercle des idées qui constituent le fonds même des Sûtras simples. En un mot, les Buddhas antérieurs à Çâkya n’ont en aucune manière le caractère divin des Buddhas de la contemplation ; ce sont comme lui des hommes, des fils de Brâhmanes ou de rois ; et les récits où ils figurent ont une telle ressemblance avec ceux où Çâkya joue le premier rôle, qu’en les entendant, si jamais ce dernier les a racontés, ses disciples eussent pu lui dire, comme le poëte latin, mutato nomine de te fabula narratur.

De tous les traits que j’ai signalés dans le cours de cette discussion, celui que je viens de développer tout à l’heure est sans contredit le plus important, car il touche au fonds même de la doctrine. Quelque interprétation qu’on en donne, il distingue de la manière la plus tranchée les Sûtras développés des autres Sûtras, et il s’ajoute aux divers indices qui m’ont autorisé à faire des seconds une catégorie de livres fort différente de la classe des premiers, malgré la communauté de titre. D’autres détails pourraient sans doute être rassemblés ici en faveur de la distinction sur laquelle j’insiste ; mais aucun ne serait d’une aussi grande valeur que ceux que je viens d’exposer. Je me contenterai d’en indiquer un seul, auquel je n’attache pas une très-grande importance, parce qu’il

  1. Quot. from orig. Sanscr. Author., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 72 et 82.