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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

de damnés, d’hommes et de Dieux, tour à tour vertueux et criminel, récompensé et puni, mais accumulant peu à peu les mérites qui devaient le rendre agréable aux Buddhas sous lesquels il vivait, et lui assurer leur bénédiction. Dans ce système, on le voit, Çâkya ne relève d’aucun Dieu ; il tient tout de lui-même et de la grâce d’un Buddha antérieur, dont l’origine n’est pas plus divine que la sienne. Les Dieux n’ont rien à faire ici ; ils ne créent pas plus le Buddha qu’ils ne l’empêchent de se former, puisque c’est à la pratique de la vertu et à ses efforts personnels qu’il doit son caractère plus que divin. Loin de là, les Dieux ne sont que des êtres doués d’un pouvoir infiniment supérieur à celui de l’homme, mais comme lui soumis à la loi fatale de la transmigration ; et leur existence ne semble avoir d’autre raison que le besoin qu’éprouve l’imagination d’expliquer la création de l’univers, et de peupler les espaces infinis qu’elle conçoit au delà du monde visible.

Il n’y a donc pas lieu de poser la question de savoir si les Dieux cités dans les Sûtras et dans les légendes du Népâl sont antérieurs au Buddhisme, ou s’ils ont été inventés par le fondateur de cette doctrine. Pour quiconque lira un seul de ces traités, ce fait que le Panthéon indien existait au temps da Çâkya ne devra pas faire l’objet du moindre doute. Il ne sera plus permis de dire que les Brâhmanes ont emprunté aux Buddhistes leurs Divinités, et qu’excluant le seul Buddha, ils ont admis tous les autres personnages dont se composait le Panthéon buddhique, car c’est le contraire qui est la vérité. C’est Çâkyamuni, ou si l’on veut, ce sont les rédacteurs des légendes qui ont trouvé et accepté, presque en entier, les Dieux brâhmaniques, avec cette seule différence (différence capitale, il est vrai) qu’ils les ont soumis à leur Buddha, c’est-à-dire au plus sage des hommes. C’est, je le répète, un point qui ne peut plus être contesté. Ce qui reste à étudier encore, c’est premièrement l’étendue et la nature des emprunts faits par les Buddhistes aux Brâhmanes, secondement le rapport de ces Dieux brâhmaniques avec ceux qui appartiennent en propre aux sectateurs de Çâkya, et qu’on voit échelonnés en quelque sorte dans les divers mondes habités par les intelligences supérieures à l’homme. Il faudra constater, par la lecture attentive de tous les documents buddhiques du Nord, si les légendes relatives à Çiva et à Vichṇu, par exemple, étaient toutes également répandues, à l’époque du premier établissement, ou au moins dans les premiers siècles du Buddhisme. On comprend, sans que j’y insiste davantage, l’importance de cette recherche ; elle doit jeter un jour nouveau sur la succession historique des croyances brâhmaniques, en même temps qu’elle doit servir à fixer, d’une manière plus précise, l’époque à laquelle ont été rédigées les légendes buddhiques où l’on en puise les éléments. Je citerai seulement, comme exemple des