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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

accompli. Le père voulut en faire autant de son second fils ; mais l’enfant ne put apprendre ni à lire ni à écrire. Son père, renonçant à lui donner ces premiers éléments de toute instruction, le mit entre les mains d’un Brâhmane chargé de lui faire apprendre le Vêda par cœur.

Mais l’enfant ne réussit pas davantage sous ce nouveau maître. Quand on lui disait Ôm, il oubliait Bhûḥ ; quand on lui disait Bhûḥ, il oubliait Ôm. Le maître dit donc au père : J’ai beaucoup d’enfants à instruire, je ne puis m’occuper exclusivement de ton fils Panthaka. Quand je lui dis Ôm, il oublie Bhûḥ ; et quand je lui dis Bhûḥ, il oublie Ôm. Le père fit alors cette réflexion : Les Brâhmanes ne savent pas tous le Vêda par cœur, pas plus qu’ils ne savent tous lire et écrire ; mon fils sera donc un simple Brâhmane de naissance[1]. »

Ces derniers mots sont très-remarquables ; le texte se sert de l’expression Djâti Brâhmaṇa, « Brâhmane de naissance, » opposée à celle de Vêda Brâhmaṇa « Brâhmane du Vêda ; » et cette expression est d’autant plus digne d’attention, qu’elle indique le véritable rôle des Brâhmanes dans la société indienne ; c’était réellement une caste qui se perpétuait par la naissance, et que la naissance suffisait pour placer au-dessus de toutes les autres. Les Sûtras nous montrent donc les Brâhmanes sous le même jour que le font les monuments de la littérature brâhmanique ; et l’exactitude des traités buddhiques sur ce point important s’étend jusqu’à des détails minutieux en apparence, jusqu’au costume même ; car on voit, dans une légende, le Dieu Indra se cacher sous l’apparence d’un Brâhmane à la taille élevée, qui porte à la main le bâton religieux et le vase à puiser de l’eau[2]. Au moment où le Buddha, qui n’est encore que Bôdhisattva, va descendre sur la terre, pour y naître dans la famille du roi Çuddhôdana, la légende nous apprend que « des fils des Dêvas, de la troupe des Çuddhâvâsas, se rendirent dans le Djambudvîpa, et que cachant leur forme divine, ils prirent le costume des Brâhmanes et se mirent à étudier les Mantras brâhmaniques[3]. »

On trouve dans les Sûtras, de même que dans les poëmes indiens étrangers au Buddhisme, des Brâhmanes remplissant chez les rois les fonctions de Purôhitas ou de prêtres domestiques, comme le Brâhmane Brahmâyus chez le roi Çagka[4]. D’autres font le métier de panégyristes et louent les rois pour en obtenir en retour des présents.

« Il y avait à Bénârès, sous le règne de Brahmadatta, un Brâhmane qui

  1. Tchûḍâ pakcha, dans Divya avad., f. 277 a.
  2. Rûpavatî, dans Divya avad., f. 213 a.
  3. Lalita vistara, f. 9 b de mon man.
  4. Mâitrêya, dans Divya avad., f. 29 a.