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DU BUDDHISME INDIEN.

Maskarin fils de Gôçâli, Sam̃djayin fils de Vâiraṭṭî, Adjila Kêçakambala, Kakuda Kâtyâyana, Nirgrantha fils de Djñati[1]. Or ces six Tîrthyas, réunis et assis dans une salle de récréation, eurent ensemble la conversation et l’entretien suivants : Vous savez certainement, seigneurs, que quand le Çramaṇa Gâutama n’avait pas encore paru dans le monde, nous étions honorés, respectés, vénérés, adorés par les rois, par les ministres des rois, par les Brâhmanes, par les maîtres de maison, par les habitants des villes et par ceux des campagnes, par les chefs de métiers et par les marchands ; et que nous en recevions divers secours, comme le vêtement, la nourriture, le lit, le siége, les médicaments destinés aux malades et d’autres choses. Mais depuis que le Çramaṇa Gâutama a paru dans le monde, c’est lui qui est honoré, respecté, vénéré, adoré par les rois, par les Brâhmanes, par les ministres des rois, par les maîtres de maison, par les habitants des villes et des campagnes, par les riches, par les chefs de métiers, et par les premiers entre les marchands ; c’est le Çramaṇa Gâutama qui, avec l’Assemblée de ses Auditeurs, reçoit divers secours, tels que le vêtement, la nourriture, le lit, le siége, les médicaments des-

  1. Ce morceau curieux se trouve reproduit avec quelques variantes dans le recueil tibétain dont M. Schmidt vient de publier une traduction allemande. (Der Weise und der Thor, p. 71 sqq.) Voyez encore les noms de ces six ascètes brâhmanes cités par Csoma de Cörös dans ses notes sur la vie de Çâkya. (Asiat. Res., t. XX, p. 298 et 299.) Il est fort intéressant de comparer ce que nous apprend M. Rémusat de ces hérétiques ; on verra par là combien les textes buddhiques chinois renferment de documents précieux, et avec quel soin cet orientaliste éminent les avait étudiés. (Foe koue ki, p. 149.) Le premier se nomme, suivant les Chinois, Fou lan na kie cha ; c’est exactement Pûraṇa Kâçyapa ; c’est de sa mère qu’il tenait son second nom, qui signifie « le « descendant de Kâçyapa. » Le second Brâhmane est Mo kia li kiu che li ; c’est Maskarin, fils de Gôçâli : il est probable que ce nom a passé par une forme pâlie ; autrement on ne pourrait expliquer l’absence du s dans la transcription chinoise. Le troisième est Chan tche ye pi lo tchi ; c’est Sam̃djayin, fils de Vâiraṭṭî : M. Rémusat s’est approché de très-près de ces deux noms. Le quatrième est A khi to hiue che khin pho lo ; c’est Adjita Kêçakambala, ou Adjita, qui n’avait pour vêtement que sa chevelure. M. Rémusat a bien deviné Kambala. Le cinquième est Kia lo kieou tho kia tchin yan ; c’est Kakuda, de la famille Kâtyâyana. Le sixième est Ni kian tho jo thi tseu ; c’est Nirgrantha, fils de Djñâti : ici encore je trouve une trace d’origine pâlie dans l’absence des deux r. M. Rémusat explique parfaitement ce nom propre : « Ni kian tho signifie exempt de liens : c’est le titre commun des Religieux hétérodoxes ; celui-ci tenait de sa mère le nom de Jo thi. » Cette légende est célèbre chez toutes les écoles buddhiques, et on en trouve un extrait dans l’exposé de la religion barmane donné par Fr. Buchanan, d’après San Germano (Asiat. Res., t. VI, p. 267 sqq.) M. Schmidt croit qu’il est hors de doute que ces six maîtres représentent les six principales écoles philosophiques des Brâhmanes. (Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. II, p. 44.) Mais rien ne prouve que cette coïncidence entre le nombre de six maîtres et l’existence des six sectes indiennes soit autre chose qu’un rapport accidentel. Je dois seulement ajouter, avant de terminer, que le souvenir de Pûraṇa et des autres maîtres a laissé quelques traces dans la tradition buddhique ; car à l’occasion du mot précepteur, le Dharma kôça vyâkhyâ s’exprime ainsi : « Il y a deux espèces de maîtres, le faux et le vrai ; le faux comme Pûraṇa et les autres, le vrai, c’est-à-dire le Tathâgata. » (Dharma kôça vyâkhyâ, f. 6 b man. Soc. As.)