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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

carpe de ce lotus, les jambes croisées, le corps droit, et replaçant sa mémoire devant son esprit. Au-dessus de ce lotus, il en créa un autre ; et sur ce lotus Bhagavat parut également assis. Et de même devant lui, derrière lui, autour de lui, apparurent des masses de bienheureux Buddhas, créés par lui, qui s’élevant jusqu’au ciel des Akanichṭhas[1], formèrent une assemblée de Buddhas, tous créés par le Bienheureux. Quelques-uns de ces Buddhas magiques marchaient, d’autres se tenaient debout ; ceux-là étaient assis, ceux-ci couchés ; quelques-uns atteignaient la région de la lumière, et produisaient de miraculeuses apparitions de flammes, de lumière, de pluie et d’éclairs ; plusieurs faisaient des questions, d’autres y répondaient et répétaient ces deux stances :

« Commencez, sortez [de la maison], appliquez-vous à la loi du Buddha ; anéantissez l’armée de la mort, comme un éléphant renverse une hutte de roseaux.

Celui qui marchera sans distraction sous la discipline de cette loi, échappant à la naissance et à la révolution du monde, mettra un terme à la douleur[2].

« Bhagavat disposa tout de telle sorte, que le monde tout entier put voir sans voile cette couronne de Buddhas, tout le monde, depuis le ciel des Akanichthas jusqu’aux petits enfants ; et cela eut lieu par la puissance propre du Buddha et par la puissance divine des Dêvas.

En ce moment Bhagavat s’adressa ainsi aux Religieux : Soyez-en convaincus, ô Religieux, le miracle de cette masse de Buddhas qui s’élèvent régulièrement les uns au-dessus des autres va disparaître en un instant. Et en effet, les Buddhas disparurent aussitôt. Après avoir ainsi témoigné de sa puissance surnaturelle, il se retrouva sur le siége qu’il occupait auparavant, et aussitôt il prononça les stances suivantes :

L’insecte brille tant que ne paraît pas le soleil ; mais aussitôt que le soleil est levé, l’insecte est confondu par ses rayons et ne brille plus[3].

  1. C’est le nom du huitième des cieux superposés de la quatrième contemplation. Ce mot, qui doit se lire ainsi, et non Aghanichta, comme on l’a écrit d’après le Vocabulaire pentaglotte, signifie littéralement « celui qui n’est pas le plus petit, » c’est-à-dire « le plus grand. » (Foe koue ki, p. 146. Schmidt, Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. I, p. 103.)
  2. Ces deux maximes sont célèbres dans toutes les écoles buddhiques, et nous les retrouverons mot pour mot dans celle du Sud chez les Singhalais ; je chercherai alors à établir qu’elles ont été primitivement conçues en pâli, et de là traduites en sanscrit. Csoma en a donné la traduction d’après une version tibétaine, qui diffère de la mienne pour le second vers : Dhunîta mrĭtyunaḥ sâinyam naḍâgâram iva kuñdjaraḥ. « Triomphez de l’armée du maître de la mort (les « passions), qui ressemblent à un éléphant dans cette demeure de boue (le corps). » Ou bien : « Domptez vos passions, comme un éléphant foule tout sous ses pieds dans un lac fangeux. » Je ne pense pas que l’original sanscrit se prête à aucune de ces deux traductions, et je crois même qu’on pourrait retrouver celle que je propose dans la version tibétaine. (Csoma, Asiat. Res., t. XX, p. 79.)
  3. Mes deux manuscrits sont ici très-fautifs ; j’ai cherché le sens le plus vraisemblable.