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DU BUDDHISME INDIEN.

tails sont une preuve de l’espèce d’hostilité avec laquelle les Brahmanes et en général les Religieux des autres sectes accueillaient les prétentions de Çâkyamuni.

À ce texte je crois utile d’en ajouter un autre qui nous montre jusqu’où allait quelquefois le ressentiment des Brahmanes contre le solitaire de la race de Çâkya.

« Lorsque, dit la légende de Mêndhaka, Bhagavat eut accompli de grands miracles dans la ville de Çrâvastî, les Dêvas et les hommes furent remplis de joie, les cœurs des gens de bien furent comblés de satisfaction. Alors les Tîrthyas, dont la puissance était brisée, se retirèrent dans les contrées voisines [de l’Inde centrale] ; quelques-uns se rendirent dans la ville de Bhadram̃kara[1] et s’y établirent. Là ces Religieux apprirent que le Çramana Gautama se dirigeait vers la ville ; et troublés à cette nouvelle, ils se dirent les uns aux autres : Nous avons été chassés autrefois du Madhyadêça par le Çramana Gautama ; s’il vient maintenant ici, il nous en chassera certainement de même ; cherchons donc un moyen d’éviter ce malheur. S’étant rendus dans la salle où le peuple va demander du secours, ils se mirent à crier : Justice ! justice ! Aussitôt le peuple se dit : Qu’est-ce que cela ? Allons voir ce qui se passe ; et il dit aux Tîrthyas : Pourquoi ces cris ? Nous vous voyons parfaitement heureux, et nous n’apercevons pas de quel malheur vous pouvez vous plaindre. Seigneurs, répondirent les Tîrthyas, il s’agit d’un malheur qui va fondre sur nous. Le Çramana Gautama s’avance, frappant avec le tranchant de la foudre, et privant les pères de leurs enfants, et les femmes de leurs maris. Or, seigneurs, s’il vient ici, il faudra que nous quittions la place, au moment même où il s’y établira. Restez, s’écria le peuple, vous ne devez pas vous en aller. Mais les Tîrthyas répondirent : Non, nous ne resterons pas, parce que vous ne voudrez pas nous écouter. Parlez, reprit le peuple, nous écouterons. Il faut, dirent alors les Tîrthyas, qu’après avoir fait sortir tout le peuple du pays de Bhadram̃kara, on abandonne la ville, on passe la charrue sur les pâturages, on renverse les bornes des champs, on coupe les arbres à fleurs et à fruits, et on empoisonne les fontaines. Seigneurs, s’écria le peuple, restez, nous exécuterons tout ce que vous ordonnez. Les Tîrthyas se retirèrent, et aussitôt on fit sortir tout le peuple du pays de

  1. Je n’ai jusqu’ici rien trouvé dans les légendes qui indique dans quelle partie de l’Inde il faut chercher cette ville ; c’est probablement au nord ou à l’ouest du Kôçala. Je ne connais pas positivement quelle est la forme ancienne du nom actuel de Bahraitch, qui est celui d’un district ou d’une ville au nord d’Aoude et à l’est de la rivière Devha (Dvivâha) ; peut-être n’est-elle autre que Bhadram̃kara ou Bhadrakara, dont Bahraitch peut bien être une altération provinciale. Au reste, le nom de Bhadrakara est déjà connu dans la nomenclature géographique de l’Inde ; Wilford l’a extrait d’une liste de noms de peuples qui fait partie du Brahmâṇḍa purâṇa. Les Bhadrakâras y sont compris au nombre des tribus habitant le Madhyadêça, ou l’Inde centrale. (Asiat. Res., t. VIII, p. 336, éd. Calc.)