Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
XIX
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE M. EUGÈNE BURNOUF.

sance à des questions de priorité, c’est que, dès l’année 1833, au plus tard, M. Eugène Burnouf était en possession de tous ces résultats, et qu’il les résumait dans une note qu’on peut lire à la page 16 de son Commentaire sur le Yaçna : Invocation. Je dois ajouter que les travaux de M. Eugène Burnouf, sur les inscriptions cunéiformes persépolitaines, n’ont reçu aucune atteinte des nombreuses et admirables recherches qui ont été faites depuis lors. Après les grandes découvertes de M. Botta, dans les ruines de Ninive, M. Eugène Burnouf, si heureux déjà dans le déchiffrement de l’écriture persépolitaine, avait tenté le même effort sur les deux autres systèmes cunéiformes, appelés médique et assyrien. Mais, en dépit de toute sa sagacité et de divers essais que j’ai retrouvés dans ses papiers, il n’avait pu réussir à percer ce mystère, qui, sans doute, ne restera pas toujours impénétrable, et qu’il lui eût peut-être été donné de dévoiler si la mort ne l’eût si tôt arrêté. Mais il se satisfaisait si difficilement lui-même qu’il n’a rien voulu publier de ces études, qui, du reste, n’étaient pas spécialement les siennes, malgré toute l’aptitude qu’il y pouvait apporter.

Les deux derniers monuments dont il nous reste à parler sont purement sanscrits. L’un, qui est le plus étendu, si ce n’est le plus important et le plus ancien, c’est le Bhâgavata-Pourâna, qui fait partie de la magnifique Collection orientale que publie l’Imprimerie nationale. Il forme déjà trois volumes in-folio ; et quand il eût été fini, il en aurait compris six très-probablement. Le dernier aurait été consacré aux notes et aux éclaircissements. Les trois volumes qui ont paru ne s’étendent pas au delà du neuvième livre, et ils ne renferment que le texte et la traduction française avec des introductions.

On sait ce que c’est que les Pourânas dans la littérature sanscrite. Au nombre de trente-six, dont dix-huit principaux, les Pourânas sont des légendes semi-religieuses, semi-poétiques et philosophiques. Ils remontent tous à l’origine des choses et traitent en général des sujets suivants, qui en sont comme la matière obligée et presque canonique : la création, la destruction des mondes, la généalogie, le règne des Manous et l’histoire des familles. Parfois ces cinq « caractères, » qui constituent le Pourâna ordinaire, sont portés à dix pour le grand Pourâna. Les Pourânas, très-répandus encore aujourd’hui dans l’Inde, sont la lecture habituelle des populations peu instruites. D’abord composés en sanscrit, ils ont été traduits dans tous les dialectes vulgaires de la presqu’île ; ils remplacent, pour les classes inférieures de la société indienne, les Védas, dont la lecture leur est interdite. Mais les brahmanes, qui se sont réservé le privilége des livres saints, n’ont pas livré au hasard l’éducation religieuse des castes placées au-dessous d’eux, et ils ont réussi à la diriger comme ils le voulaient au moyen de ces énormes et singulières compositions, qui suffisent aux imaginations indiennes, tout en les égarant. Les Pourânas ont servi l’esprit de secte, comme on peut le supposer ; et selon les temps, suivant les lieux et les croyances dominantes, ils ont pris, tout en restant dans les limites prescrites, des couleurs diverses qu’il est facile de reconnaître. Ils ont été d’ailleurs écrits à des époques