les Vanaprasthas[1]. Ces derniers qui, loin de faire opposition à la religion populaire, étaient au contraire autorisés par la loi de Manu, n’avaient pas besoin de créer des associations religieuses régulièrement organisées. S’ils rassemblaient autour d’eux quelques disciples, il en résultait des rencontres accidentelles qui ne survivaient pas au Maître. Mais l’isolement dans lequel s’étaient placés les Buddhistes, au sein de la société indienne, ne pouvait manquer de leur faire sentir les avantages de la vie commune ; et une fois ces avantages appréciés, il n’était pas difficile d’en assurer la conservation, en donnant au chef de l’association un successeur qui continuât l’œuvre de celui qui l’avait fondée.
Une fois l’Assemblée des Religieux formée de la réunion de tous les Bhikchus ordonnés par Çâkyamuni, il dut bien vite s’y établir une hiérarchie capable d’y maintenir l’ordre. Aussi voyons-nous, dans toutes les légendes, les Bhikchus rangés d’après leur âge et d’après leur mérite. C’est suivant l’âge qu’ils prenaient rang dans l’Assemblée, et les premiers y recevaient le nom de Sthaviras, vieillards ou anciens. Les Sthaviras à leur tour se distinguaient en Anciens des Anciens, Sthavirâḥ sthavirâṇâm[2] ; mais je n’ai jamais trouvé dans les textes de dénomination correspondante à celle de vieillard, comme serait celle de jeunes ou nouveaux. Les Sthaviras occupaient dans l’Assemblée le premier rang après Çâkya ; et c’est ce qui explique la traduction remarquable que les interprètes tibétains donnent de leur nom. Le mot Sthavira est régulièrement remplacé dans leurs versions par les deux monosyllabes gnas-brtan, que nos dictionnaires tibétains rendent tous par vicaire, substitut, à l’exception de Schröter, qui lui donne le sens de « très-bon prêtre, très-excellent moine[3]. » L’étymologie du mot Sthavira (sthâ, se tenir) d’une part, et de l’autre le rôle que jouent d’ordinaire dans les légendes les Sthaviras, auxquels Çâkyamuni confie le soin d’enseigner la Loi, quand il ne parle pas lui-même, justifient sans doute la version des interprètes tibétains. Ne serait-ce pas cependant donner au lecteur une singulière idée de l’original, que de traduire ainsi une phrase qui se présente à chaque page de la Pradjñâ pâramitâ : « Alors le vicaire Subhûti parla ainsi à Bhagavat. » Je n’hésite pas à prétendre que ce serait trop traduire ; aussi ai-je cru devoir conserver le terme même de Sthavira dans ma traduction française du Lotus de la bonne loi. M. Turnour a également gardé le titre de Thera, forme pâlie de Sthavira, dans la traduction anglaise qu’il a donnée du Mahâvam̃sa pâli ; et cependant les Theras singhalais, qui ont sur tous