Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
DU BUDDHISME INDIEN.


graphe de la liste de M. A. Rémusat, à celui qui enjoint au Religieux de garder son rang quand il mendie. Les Singhalais lisent et interprètent un peu différemment cet article : selon Clough, on l’écrit Yathâsanthatîkangga, et on y voit l’injonction faite au Religieux de ne pas changer la position du tapis ou du matelas sur lequel il se repose, et de le laisser tel qu’il l’a une fois étendu. L’interprétation singhalaise est rigoureusement conforme à l’étymologie, puisque si on retranche le suffixe ika, le mot yathâsanthat pour yathâsanthala qui reste représente exactement le sanscrit yathâsam̃strĭta, « comme il est étendu ; » de sorte que l’article tout entier devrait, dans cette hypothèse, se lire en sanscrit yâthâsamstrĭtika, « celui qui laisse son tapis tel qu’il l’a une fois étendu. » Mais l’examen de l’orthographe myâthâpam̃tari, toute fautive qu’elle est, nous met sur la voie d’une autre restitution qui consiste à lire yâthâsam̃starika, adjectif formé de yathâsam̃stara, « comme est le tapis. » La leçon du Vocabulaire pentaglotte mène plus directement à cette correction qu’à celle que me suggère l’orthographe de la liste singhalaise, et je la préfère même à la leçon supposée yâthâsam̃strĭtika. Mais aussi, on le voit, l’une et l’autre nous éloignent de l’interprétation chinoise, qui ordonne au Religieux de garder son rang quand il mendie. La version tibétaine ne me paraît pas trancher décidément la question, car l’expression Gji-dji-bji-pan est assez vague pour se prêter à ces deux interprétations : « celui qui reste à la place où il est, » ou [celui qui garde son tapis,] « tel qu’il l’a une fois placé. »

L’analyse précédente nous a donné douze articles pâlis, dont chacun correspond à un article du Vocabulaire pentaglotte ; mais les Singhalais en comptent un treizième, qui occupe la quatrième place dans leur énumération. Clough l’écrit Sapadânatchârikangga, et le traduit : « ordonnance qui enjoint au « Religieux de vivre en mendiant sa nourriture de maison en maison. » On explique ce terme par sa (pour saha) « avec, » padâna (pour pradâna) « don, aumône, » et tchârika, « qui marche, » c’est-à-dire, « celui qui marche en recueillant des aumônes. » Cette règle rentre si naturellement dans celle de Piṇḍapâtika, qu’il n’est pas difficile de comprendre comment elle peut manquer à l’énumération du Vocabulaire pentaglotte et à celle du traité chinois cité par M. A. Rémusat.

Je regretterais de m’être arrêté si longtemps sur ces détails, s’il n’en résultait pas quelques conséquences intéressantes touchant les habitudes et la vie des Religieux, dans les premiers temps du Buddhisme. Il est évident que les règles que renferment les douze paragraphes expliqués tout à l’heure appartiennent à une époque où l’organisation des Religieux en un corps soumis à une hiérarchie simple, mais forte, et résidant au sein de riches monastères, en