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DU BUDDHISME INDIEN.

Ces dernières paroles expriment très-heureusement les vrais sentiments des Buddhistes ; elles nous font comprendre comment Çâyamuni pouvait proscrire l’usage de vivre nu, en en rejetant la honte sur les Tîrthikas[1]. Ajoutons, avec M. Wilson, que l’obligation où était le Religieux d’être toujours couvert fournit à l’archéologie un caractère de premier ordre pour la détermination des statues, ou scènes sculptées, qu’on hésite quelquefois à déclarer Djâinas ou buddhiques. Les scènes où les personnages religieux sont couverts appartiennent très-vraisemblablement au Buddhisme ; mais on n’en peut dire autant de celles où ils paraissent nus. Les ascètes ou saints qui ne portent aucun vêtement doivent, selon toute vraisemblance, être déclarés Djâinas ; ce sont de ces personnages qui, comme l’indique leur nom de Digambara, n’avaient d’autre vêtement que l’espace[2].

Aux détails que je viens de donner sur celles des règles de la Discipline qui me paraissent les plus anciennes, je crois utile de joindre un texte qui jette du jour sur la vie des Religieux dans les Vihâras ou monastères. Ce texte, que j’emprunte au Divya avadâna, renferme sans doute quelques détails ridicules ; mais je n’ai voulu en rien retrancher, pour qu’on vît clairement de quelle manière les compilateurs de légendes se sont représenté les obligations imposées aux Religieux réunis dans les Vihâras. On jugera par là de l’importance que ces institutions avaient aux yeux des Buddhistes.

  1. Csoma, Analys. of the Dul-va, dans Asiat. Researches, t. XX, p. 71.
  2. Wilson, Abstract of the Dul-va, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. I, p. 4. M. Rémusat avait déjà remarqué le fait ; mais il n’en avait pas tiré la conséquence en ce qui touche la comparaison des statues buddhiques et Djâinas. (Foe koue ki, p. 62.) Je ne dois cependant pas me dissimuler que cette distinction entre les images vêtues des Buddhas et les images nues des Djâinas est formellement contredite par M. Hodgson, à l’opinion duquel M. G. de Humboldt donne un assentiment sans réserve. M. Hodgson, prenant occasion d’une analyse des Mémoires de M. Erskine sur les cavernes d’Éléphanta, analyse dont l’auteur (qui est peut-être M. Wilson) s’attachait à mettre en relief le caractère signalé par M. Erskine (Quart. Orient. Magaz., mars 1824, p. 15 et 16), a positivement nié que les images des Buddhas fussent toujours représentées couvertes d’un vêtement, à la différence des images des Djâinas, qui sont ordinairement nues. (Transact. of the Roy. Asiat. Soc., t. II, p. 229 et 230.) À l’appui de cette assertion, il a produit un dessin qui représente un sage assis dans la posture d’un homme qui enseigne, et dans un état complet de nudité. Cette preuve a, comme je l’indiquais tout à l’heure, paru suffisante à M. de Humboldt. (Ueber die Kawi-Sprache, t. I, p. 115.) Malgré la déférence que je me sens porté à témoigner aux opinions de deux hommes aussi éminents, je trouve que l’authenticité du dessin produit par M. Hodgson n’est pas suffisamment établie, car elle ne repose que sur l’autorité d’un Bhotiya, auquel le savant anglais dit en être redevable. Le témoignage des textes me paraît de beaucoup supérieur à celui d’un dessin isolé et dont on ignore la véritable date. Les textes qui condamnent la nudité chez les Religieux surabondent dans les légendes. Je me contente d’ajouter à ceux qui font l’objet de la présente discussion un passage caractéristique d’un Sûtra cité plus haut (sect. II, p. 167) sur les miracles de Çâkya.