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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


quand nous serons au milieu de l’Océan, tu nous enseigneras la Loi. Je ne suis pas maître de moi, répondit Sam̃gha rakchita ; adressez-vous à mon précepteur. Les marchands se rendirent donc à l’endroit où se trouvait le respectable Çâriputtra, et quand ils y furent arrivés, ils lui dirent : Ô Çâriputtra l’Ârya ! voici l’Ârya Sam̃gha rakchita qui est de notre âge, qui est né en même temps que nous, qui a joué avec nous dans la poussière. Nous allons partir pour le grand Océan : consens à ce qu’il s’embarque avec nous ; quand nous serons sur le grand Océan, il nous enseignera la Loi. Çâriputtra leur répondit : Adressez-vous à Bhagavat. Ils se rendirent en conséquence auprès de Bhagavat et lui dirent : Ô Bhagavat, nous allons partir pour le grand Océan ; voilà Sam̃gha rakchita l’Ârya qui est de notre âge, qui est né en même temps que nous, qui a joué avec nous dans la poussière ; consens à ce qu’il s’embarque avec nous ; quand nous serons au milieu du grand Océan, il nous enseignera la Loi.

Bhagavat fit alors cette réflexion : Quelles sont les racines de vertu, quelles qu’elles soient, que possèdent ces gens-là ? Celui de qui dépendent ces racines de vertu existe-t-il ? Oui, c’est le Religieux Sam̃gha rakchita. En conséquence il s’adressa ainsi à Sam̃gha rakchita : Va, Sam̃gha rakchita, il faudra que tu traverses des dangers et des conjonctures redoutables. Le respectable Sam̃gha rakchita témoigna par son silence son assentiment aux paroles de Bhagavat.

Ensuite les cinq cents marchands, après avoir appelé sur leur entreprise les bénédictions et la faveur du ciel, chargèrent une grande quantité de marchandises sur des chariots, sur des jougs, à dos de porteurs[1], dans des corbeilles sur des chameaux, sur des bœufs, sur des ânes, et partirent pour le grand Océan. Après avoir parcouru successivement un grand nombre de villages, de villes, de districts, de hameaux, de villes murées, ils arrivèrent enfin sur le bord de la mer, et ayant fait construire un vaisseau par un ouvrier habile, ils s’embarquèrent sur l’Océan, emportant avec eux leurs richesses. Quand ils furent parvenus au milieu du grand Océan, des Nâgas s’emparèrent de leur navire. Alors ils commencèrent à implorer les Divinités : Que la Divinité, s’écrièrent-ils, qui habite au sein du grand Océan, que ce soit un Dêva, un Nâga ou un Yakcha, nous fasse connaître ce qu’elle désire. Aussitôt une voix sortit du milieu du grand Océan : Livrez-nous l’Ârya Sam̃gha rakchita. Les marchands répondirent : L’Ârya Sam̃gha rakchita est de notre âge ; il est né en même temps que nous ; il a joué avec nous dans la poussière ; il nous a été confié par le respectable Çâriputtra, et cédé par Bhagavat. Il vaudrait mieux pour nous périr avec lui que

  1. Je lis ûḍhâiḥ, pris dans un sens actif, au lieu de mûḍhâiḥ (insensé), que la version tibétaine traduit par sbyangs-pa, mot dont la signification connue ne paraît pas aller ici.