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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

exécuteront les sentences portées par le roi. Açôka donna donc cet ordre à ses gens : Cherchez-moi un homme qui exécute les criminels.

Non loin de là, au pied d’une montagne, il y avait une chaumière qu’habitait un tisserand. Ce tisserand eut un fils auquel on donna le nom de Girika (le montagnard). Cet enfant, emporté, cruel, injuriait son père et sa mère, et battait les petits garçons et les petites filles ; il faisait mourir à l’aide de broches et de filets les fourmis, les mouches, les souris, les oiseaux et les poissons. C’était un enfant furieux ; aussi lui donna-t-on le nom de Tchaṇḍa girika, Girika le furieux. Un jour il fut aperçu, occupé à ces méchancetés, par les gens du roi qui lui dirent : Peux-tu remplir l’office de bourreau pour le roi Açôka ? L’enfant répondit : Je remplirais l’office de bourreau pour le Djambudvîpa tout entier. On fit connaître cette réponse au roi, qui dit : Qu’on l’amène. Les gens du roi allèrent donc dire à l’enfant : Viens, le roi te demande. Tchaṇḍa girika répondit : Allez toujours, je vais voir mon père et ma mère. Alors il alla dire à ses parents : Ô mon père et ma mère, accordez-moi votre permission ; je vais exercer l’office du bourreau pour le roi Açôka. Mais ses parents cherchèrent à l’en détourner ; alors il les priva tous les deux de la vie. Cependant les gens du roi lui demandèrent : Pourquoi donc as-tu tant tardé à venir ? Il leur fit connaître en détail ce qui s’était passé. Il fut ensuite conduit par eux devant le roi, auquel il dit : Fais-moi faire une maison. Le roi lui fit construire une maison, une très-belle maison, mais qui n’avait d’agréable que l’entrée, et à laquelle on donna le nom de « La prison agréable. » Le jeune Girika dit alors : Accorde-moi une faveur, ô roi : que celui qui entrera dans cette maison ne puisse plus en sortir ; à quoi le roi répondit : Qu’il soit ainsi[1].

Tchaṇḍa girika se rendit ensuite à l’ermitage de Kukkuṭa ârâma[2] ; le Religieux Bâlapaṇḍita y lisait un Sûtra. Il y a des êtres qui renaissent dans les Enfers, disait-il : les gardiens des Enfers les ayant saisis et les ayant étendus le dos sur le sol formé de fer brûlant, échauffé, ne faisant qu’une seule flamme, leur ouvrent la bouche avec une broche de fer et y introduisent des boules de fer brûlantes, échauffées, ne formant qu’une seule flamme. Ces boules brûlent les lèvres de ces malheureux ; et après leur avoir consumé la langue, la gorge, le conduit du gosier, le cœur, les parties voisines du cœur, les entrailles, les cordes des entrailles, elles s’échappent par en bas. Ce sont là, ô Religieux, les douleurs de l’Enfer.

  1. Cette partie de notre légende fait l’objet d’un chapitre spécial du Voyage de Fa hian ; elle y est racontée cependant avec quelques légères variantes de peu d’importance. (Foe koue ki, p. 293 sqq.)
  2. C’est le célèbre ermitage nommé Kukkuṭa, ou du Coq ; il était situé dans la montagne nommée Kukkuṭa pada, « le pied de coq, » laquelle, d’après Fa hian, n’est pas très-éloignée de Gayâ. (Foe koue ki, p. 302.)