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DU BUDDHISME INDIEN.


Alors le roi ayant équipé une armée formée de quatre corps de troupes, prit des parfums, des fleurs et des guirlandes, et partit accompagné du Sthavira Upagupta. Ce dernier commença par conduire le roi dans le jardin de Lumbinî ; puis étendant la main droite, il lui dit : C’est dans ce lieu, ô grand roi, qu’est né Bhagavat ; et il ajouta :

C’est ici le premier monument consacré en l’honneur du Buddha dont la vue est excellente. C’est ici qu’un instant après sa naissance, le solitaire fit sept pas sur le sol[1].

Ayant promené ses regards sur les quatre points de l’horizon, il prononça ces paroles : Voici ma dernière existence ; c’est la dernière fois que j’habite dans une matrice humaine[2].

En ce moment Açôka tomba de toute sa hauteur aux pieds du Religieux ; puis se relevant, il réunit ses mains en signe de respect, et dit en pleurant : Ils sont heureux, et ils ont accompli des actions vertueuses, ceux qui ont vu le grand solitaire au moment où il est venu au monde, et qui ont entendu sa voix agréable. Alors le Sthavira voulant augmenter la joie d’Açôka, lui parla ainsi : Grand roi, aimerais-tu à voir la divinité qui a été présente à la naissance du plus éloquent des hommes, et qui l’a entendu parler, lorsqu’il vint au monde dans ce bois et qu’il fit trois pas ? — Oui, Sthavira, j’aimerais à la voir. Aussitôt le Sthavira, dirigeant la main du côté de l’arbre dont la reine Mahâmâyâ avait pris une branche, parla ainsi : Que la Divinité qui réside ici dans cet arbre Açôka, cette fille des Dieux qui a vu le Buddha parfait, se montre ici en personne, afin d’augmenter les sentiments de bienveillance [pour la Loi][3] dans le cœur

  1. Le bois de Lumbinî est célèbre dans toutes les légendes relatives à la vie de Çâkya ; voyez notamment le chapitre du Lalita vistara consacré au récit de la naissance du jeune Sidhârtha. (Lalita vistara, f. 45 sqq. de mon man.) Ce jardin est situé près de Kapilavastu. Fa hian en a parlé dans son voyage. (Foe koue ki, p. 199, et la note de Klaproth, p. 219.) Le voyageur chinois rapporte également l’histoire des sept pas que le miraculeux enfant fit sur le sol. (Foe koue ki, ib. Klaproth, ib., p. 220.)
  2. Quant aux paroles que prononça le jeune prince au moment de sa naissance, voyez la légende de Çâkya traduite du chinois par Klaproth. (Foe koue ki, p. 220 et 223.) Les versions diverses de ces paroles, que rapportent les nombreuses autorités citées par ce savant, reviennent toutes, plus ou moins exactement pour le sens, au passage du Lalita vistara relatif à cet événement, que j’ai cité ailleurs il y a quelque temps. (Journal des Savants, année 1837, p. 353 et 354. Lalita vistara, p. 49 b de mon man.) Cela ne doit pas étonner, puisque la tradition des divers peuples qui ont adopté le Buddhisme repose en définitive sur des autorités indiennes. Mais ce qu’il est plus utile de remarquer, c’est que les paroles que la légende du Nord met dans la bouche du jeune Çâkya sont les mêmes que celles qui sont rapportées par les légendes du Sud. Je n’en ai pas le texte pâli, mais j’en juge d’après la traduction, vraisemblablement fort exacte, que M. Turnour a donnée d’un fragment considérable du commentaire composé par Buddha ghosa sur le Buddha vam̃sa. (Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 801.)
  3. Je continue à traduire prasâda par bienveillance ; mais on pourrait fort bien le remplacer