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DU BUDDHISME INDIEN.

mouche avec lequel il éventait son maître. Cette réflexion lui vint alors à l’esprit : Bhagavat célèbre de cette manière l’abandon de ces conditions ; il en célèbre le détachement, la cessation, le renoncement. Pourquoi ne m’arrêterais-je pas dans la considération de l’abandon, dans la considération du détachement, dans celle de la cessation, dans celle du renoncement ? En conséquence le respectable Çâriputtra s’étant arrêté dans la considération que les conditions étaient passagères, qu’elles étaient sujettes à périr ; s’étant arrêté dans la considération du détachement, de la cessation, du renoncement, débarrassa, en n’en admettant aucune, son esprit de toutes ses imperfections. De son côté le mendiant Dîrghanakha sentit naître en lui la vue pure et sans tache des conditions. Quand il eut vu, atteint, connu la Loi ; quand il en eut sondé la profondeur, qu’il eut franchi le doute et l’incertitude, ne recherchant plus le secours des autres, envisageant avec intrépidité les lois de la doctrine où l’on s’instruit de soi-même, Dîrghanakha, s’étant levé de son siége et ayant rejeté sur son épaule son vêtement supérieur, dirigea ses mains jointes en signe de respect du côté où se trouvait Bhagavat, et lui parla ainsi : Puissé-je, seigneur, embrasser la vie religieuse sous la discipline de la Loi qui est bien renommée ! Puissé-je obtenir l’investiture et le rang de Religieux ! Puissé-je accomplir les devoirs de la vie religieuse en présence de Bhagavat ! En conséquence Dîrghanakha le mendiant embrassa la vie religieuse sous la discipline de la Loi bien renommée ; il y obtint l’investiture et le rang de Religieux. Quand il y fut entré, ce respectable personnage, seul, retiré dans un lieu désert, attentif, appliqué, l’esprit recueilli, parvint bientôt à voir par lui-même, à voir face à face le but suprême et sans égal de la vie religieuse, qui est que les fils de famille rasant leur chevelure et leur barbe, et revêtant des vêtements de couleur jaune, quittent leur maison avec une foi parfaite pour embrasser la vie de mendiant. Et quand il eut reçu l’investiture, il sentit en lui-même cette conviction : La naissance est anéantie pour moi ; j’ai accompli les devoirs de la vie religieuse ; j’ai fait ce que j’avais à faire ; je ne verrai pas une nouvelle existence après celle-ci. Arrivé ainsi à l’omniscience, ce respectable personnage devint Arhat, et son esprit fut parfaitement affranchi[1]. »

Le but principal du morceau que je viens de traduire est d’établir la nécessité du détachement, sujet qui revient presque à chaque instant dans les Sûtras et dans les légendes. C’est à cette thèse à la fois métaphysique et morale que se rapportent ces belles paroles, qui, suivant un passage d’une légende citée plus haut, se font entendre dans le ciel, quand y pénètrent les rayons lumineux produits par le sourire de Çâkya : « Cela est passager, cela est misère, cela est vide, cela est

  1. Avadâna çataka, f. 245 & sqq.