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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

plusieurs de ces traités ne sont que des recueils d’instructions faites pour diriger les dévots dans l’art de tracer et de disposer les cercles et les autres figures magiques (Maṇḍala) destinées à recevoir les images de ces Divinités. Les offrandes et les sacrifices qu’on leur adresse pour se les rendre favorables, ainsi que les prières et les hymnes qu’on chante en leur honneur, occupent également dans ces livres une place considérable. Enfin ils renferment tous des formules magiques ou Dharaṇîs, véritables charmes que l’on suppose avoir été composés par ces Divinités mêmes, qui en portent ordinairement le nom, et qui ont la vertu de sauver des plus grands périls celui qui est assez heureux pour les posséder et les répéter.

Cette partie de la collection népâlaise n’est pas la première qu’ait découverte M. Hodgson, et ses Buddhistes ne lui en révélèrent l’existence que quand il eut déjà obtenu d’eux beaucoup d’autres ouvrages d’un caractère différent. Si, comme le titre de Tantra l’indique, et comme le prouveront les analyses qu’on va lire, le culte impur et grossier des personnifications du principe femelle, tel qu’il est admis parmi les Çivaïtes, a trouvé place dans ces livres, on comprend qu’un Buddhiste honnête ait hésité à livrer à un étranger les preuves d’une alliance aussi monstrueuse. Mais une autre raison a dû encore soustraire longtemps aux recherches de M. Hodgson cette partie de la littérature buddhique : c’est l’idée que semblent se faire les Népâlais et les Tibétains de la valeur et de l’importance des Tantras. Nulle part, en effet, le Buddhisme n’est réduit à des proportions plus humaines, et à des conditions d’une pratique en général plus facile que dans ces livres. Il ne s’agit plus, ainsi que dans les Sûtras anciens, de se préparer, par l’exercice de toutes les vertus, à remplir un jour les devoirs d’un Buddha. Il suffit de tracer une figure, de la diviser en un certain nombre de compartiments, d’y dessiner ici l’image d’Amitâbha, le Buddha d’un monde fabuleux comme lui ; là celle d’Avalôkitêçvara, le fameux Bôdhisattva, saint tutélaire du Tibet ; ailleurs celles de quelques divinités femelles aux noms singuliers et aux formes terribles ; et le dévot s’assure la protection de ces Divinités qui l’arment de la formule magique ou du charme que possède chacune d’elles. Pour des esprits grossiers et ignorants, de tels livres ont certainement plus de valeur que les légendes morales des premiers temps du Buddhisme. Ils promettent des avantages temporels et immédiats ; ils satisfont enfin à ce besoin de superstitions, à cet amour des pratiques dévotes par lequel s’exprime le sentiment religieux en Asie, et auquel ne répondait qu’imparfaitement la simplicité du Buddhisme primitif.

Il est, au reste, facile de juger du caractère de cette partie de la littérature buddhique par la traduction de deux traités qu’a faite M. Wilson d’après un