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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

grand arbre de ses branches, et d’en abriter l’étang et les poissons. Après bien des recherches il découvre que l’étang a été jadis alimenté par un grand fleuve, dont un être malveillant a détourné les eaux pour faire périr les poissons. Reconnaissant qu’il lui est impossible de rendre au fleuve son ancien cours, il retourne à la ville auprès du roi, lui raconte ce qu’il a vu et lui demande vingt éléphants ; le roi les lui accorde. Alors se rendant auprès du fleuve, il emplit d’eau des outres qu’il avait apportées avec lui, les charge sur ses éléphants, et se rend aussitôt à l’étang, dans lequel il les vide. Là il s’aperçoit que les poissons se portent en foule du côté où il se présente, et devine aussitôt que la faim doit être la cause de ce mouvement. Il envoie donc son fils Djalâmbara chercher à la maison, chez son grand-père, tout ce qu’il y avait d’aliments préparés. Quand son fils est revenu, il brise tous ces aliments en petits morceaux et les jette dans l’étang.

Il se rappelle alors avoir appris que celui qui au moment de sa mort entend prononcer le nom du Buddha Ratna çikhin doit renaître un jour dans le monde en qualité de Buddha. En conséquence il a l’idée de faire entendre ce nom précieux aux poissons qu’il vient de sauver. Or en ce temps-là il y avait dans le Djambudvîpa deux opinions dominantes : l’une qui ajoutait foi au Mahâyâna, l’autre qui le repoussait. Djala vâhana, qui suivait la première, entre dans l’eau jusqu’aux genoux, et prononce la formule d’adoration en l’honneur du Buddha Ratna çikhin. Il enseigne ensuite la théorie des causes de l’existence, à peu près dans les mêmes termes que le Lalita vistara ; puis il retourne avec ses deux fils à la maison. Le lendemain tous les poissons étaient morts et avaient repris une nouvelle existence parmi les Dêvas Trayastrim̃ças. Là se rappelant leur vie passée et reconnaissant à qui ils sont redevables de leur bonheur présent, ils prennent la résolution d’aller témoigner leur respect à leur bienfaiteur, et se rendent pendant la nuit à sa maison, où ils lui offrent des colliers précieux, au milieu d’une pluie de fleurs et du bruit des tambours divins. Quand le jour fut venu, le roi Sûrêçvara prabha demanda au trésorier, son ministre, la cause des miracles qui avaient eu lieu pendant la nuit ; le ministre apprit aussi que le fils du médecin était devenu possesseur d’un grand nombre de colliers précieux. Le roi voulut voir cet homme fortuné, et lui demanda de lui dire la cause de tout ce qui était advenu. Djala vâhana ayant répondu que peut-être les poissons étaient morts, le roi désira vérifier le fait, et le médecin envoya son fils Djalâmbara vers l’étang pour reconnaître ce qui était arrivé aux poissons. Celui-ci les trouva morts, et vit dans l’étang une masse de fleurs divines de Mândâravas. Alors Djala vâhana se présenta devant le roi, et lui affirma que les poissons avaient changé de séjour, et que devenus Dêvas, ils avaient produit les miracles qui l’étonnaient.