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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

guère pour nous que la vaste lecture et l’orthodoxie de notre auteur. Je me contenterai d’ajouter aux extraits que je viens d’en faire deux passages qui jettent du jour sur quelques parties de la collection buddhique en général. Dans l’un de ces passages le commentateur parle de Sûtras connus sous le titre d’Artha vargîyas, et qui font partie du Kchudraka[1]. Il est fort probable que ces Sûtras, à en juger d’après leur titre, traitent d’objets temporels, objets qui sont rangés par toutes les écoles de l’Inde sous le nom générique d’Artha. Cette conjecture est presque changée en certitude par ce fait, que le recueil nommé Kchudraka, qui est traduit dans la collection tibétaine du Kah-gyur, et qui y forme une section spéciale intitulée Vinaya kchudraka vastu, « Petits détails sur la discipline religieuse, » traite, entre autres sujets, des coutumes et usages des peuples de l’Inde centrale[2]. Il serait fort intéressant pour nous de posséder un traité de ce genre, si toutefois le contenu répond exactement à la description qu’en donne Csoma. Mais le titre seul qu’il porte nous fournit une donnée dont je ne pourrai faire sentir toute l’importance que quand je comparerai la collection des livres pâlis de Ceylan à celle des livres sanscrits du Nord. Qu’il me suffise en ce moment de dire que les Singhalais possèdent également le Kchudraka, qu’ils connaissent sous le titre pâli de Khuddaka.

Le second passage que je désire signaler à l’attention du lecteur est relatif à des songes qui apparurent, dit-on, à un certain roi Krĭkin, songes que Çâkyamuni explique comme des présages des destinées futures de sa religion. Le commentateur, avant de rappeler ces songes, annonce qu’on en trouve l’exposé dans le Vinaya. Le hasard me les a fait découvrir exactement tels que Yaçômitra les rapporte dans le manuscrit du Sumâgadhâ avâdâna, c’est-à-dire dans l’histoire de la belle Mâgadhienne. Cette légende que j’ai traduite d’après le texte sanscrit, à cause des détails curieux qu’elle donne sur les premiers disciples de Çâkyamuni, se trouve également dans la collection tibétaine, d’où je l’ai extraite et comparée mot pour mot avec l’original sanscrit[3]. Mais la version tibétaine, au lieu de placer cette légende dans la section du Vinaya ou de la Discipline, la range dans la catégorie des Sûtras. Si notre commentateur ne s’est pas trompé en écrivant Vinaya au lieu de Sûtra, il sera constaté, au moins pour cette légende, que les compilateurs du Kah-gyur n’ont pas suivi très-exactement la classification népâlaise. Au reste, celle du Kah-gyur lui-même n’est pas absolument rigoureuse ; car on trouve dans la classe de la Discipline des légendes qui ont plus

  1. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 28 a.
  2. Csoma, Analys. of the Dul-va, dans Asiat. Researches, t. XX, p. 85 et 86.
  3. Bkah-hgyur, sect. Mdo, vol. ha (xxix), p. 430. Je publierai peut-être ce travail dans une autre occasion.