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DU BUDDHISME INDIEN.

Quoi qu’il puisse être de ces quatre-vingt-quatre mille textes de la loi, à la réalité desquels on peut croire, si par textes on entend articles, les livres qui subsistent aujourd’hui se divisent en trois classes, nommées collectivement Tripiṭaka, c’est-à-dire « les trois corbeilles ou recueils. » Ces trois classes sont le Sûtra piṭaka ou les Discours de Buddha, le Vinaya piṭaka ou la Discipline, et l’Abhidharma piṭaka ou les Lois manifestées, c’est-à-dire la métaphysique[1]. Cette division, qui est justifiée par des textes, est une des bases de la classification du Kah-gyur, et parmi les sept corps que forment les cent volumes de cette grande bibliothèque, le Vinaya est le premier, l’Abhidharma, sous le titre spécial de Pradjñâ pâramitâ, est le second, et le recueil des Sûtras est le cinquième[2]. Elle n’est pas moins familière aux Buddhistes chinois, dont le témoignage s’accorde en général si exactement avec celui des Tibétains ; ils l’expliquent par trois mots signifiant livres sacrés, préceptes et discours[3], et on la trouve élucidée dans une savante note de M. A. Rémusat, qui reproduit exactement les détails que nous fournissent sur ce sujet les livres buddhiques du Népâl[4]. Mais il est nécessaire de nous arrêter quelques instants sur ces trois titres, et de réunir ce que les textes sanscrits et la tradition népâlaise nous apprennent de leur valeur et de leur application.

Le mot de Sûtra est un terme bien connu dans la littérature de l’Inde ancienne ; il y désigne ces brèves et obscures sentences qui renferment les règles fondamentales de la science brâhmanique, depuis la grammaire jusqu’à la philosophie[5]. Cette signification n’est pas inconnue aux Buddhistes, car M. Rémusat définit ainsi ce terme : « Principes ou aphorismes qui font la base de la doctrine, textes authentiques et invariables[6]. » Je trouve en outre dans la collection de M. Hodgson un ouvrage intitulé Vinaya sûtra, ou Vinaya paira, qui est composé de sentences très-brèves et conçues dans le système des axiomes brâhmaniques. Je reviendrai plus bas sur cet ouvrage ; mais je dois auparavant me hâter de remarquer que ce n’est pas seulement ainsi que les Buddhistes entendent le mot de Sûtra, et que les traités auxquels ce titre s’applique ont un caractère très-différent de ceux qu’il désigne dans la littérature orthodoxe de l’Inde ancienne. Les Sûtras, selon les autorités népâlaises citées par M. Hodgson, renferment tout ce qu’ont dit les Buddhas ; c’est

  1. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 10 a du man. de la Société Asiatique.
  2. Csoma, Abstract of the contents of the Dul-va dans Journ. of the Asiat. Soc. of Beng., t. I, p. 1 sqq., 37 sqq., et Asiat. Res., t. XX, p. 42.
  3. Foe koue ki, p. 3, 78 et 108.
  4. ibid., p. 108.
  5. Wilson, Sanscr. Diction., ve Sûtrâ, p. 940, 2e édit.
  6. Foe koue ki, p. 108.