Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

pourquoi on les appelle souvent Buddha vatchana, « la parole des Buddhas, » ou Mûla grantha, « le livre du texte[1]. » Les Chinois expliquent ce terme de la même manière. Les Sûtras sont, suivant une curieuse note de M. Landresse, « les doctrines attachées ou cousues ; c’est le nom général de tous les enseignements saints ; ce sont les textes des livres sacrés, où l’on traite simplement « de la loi en discours suivis, longs ou courts[2]. » On reconnaît dans cette explication la trace de la signification étymologique du mot Sûtra, et en même temps l’application qu’en font les Buddhistes à ce qu’ils appellent spécialement leurs Sûtras. Ces livres sont attribués au dernier des Buddhas reconnus par tous les Buddhistes, c’est-à-dire à Çâkyamuni ou Çâkya, le solitaire de la race Çakya, qui est représenté s’entretenant avec un ou plusieurs de ses disciples, en présence d’une assemblée composée d’autres disciples et d’auditeurs de toute espèce, depuis les Dieux jusqu’aux hommes[3]. Je montrerai bientôt que des textes buddhiques déterminent la forme propre à tout Sûtra, et j’établirai qu’il existe entre plusieurs de ces livres des différences qui sont de nature à jeter du jour sur leur origine et leur développement. En ce moment il me suffit d’en constater les caractères les plus généraux, et d’indiquer sommairement la place qu’occupent les Sûtras dans l’ensemble des écritures buddhiques du Népâl.

Cette place est, comme on voit, très-élevée, puisque les Sûtras passent pour la parole même du dernier Buddha, et qu’au rapport de M. Hodgson, il n’y a pas de titre qui jouisse de plus d’autorité que celui-là[4]. Rédigés en général sous une forme et dans un langage très-simple, les Sûtras gardent la trace visible de leur origine. Ce sont des dialogues relatifs à la morale et à la philosophie, où Çâkya remplit le rôle de maître. Loin de présenter sa pensée sous cette forme concise qui est si familière à l’enseignement brâhmanique, il la développe avec des répétitions et une diffusion fatigantes sans doute, mais qui donnent à son enseignement le caractère d’une véritable prédication. Il y a un abîme entre sa méthode et celle des Brâhmanes. Au lieu de cet enseignement mystérieux confié presque en secret à un petit nombre d’auditeurs, au lieu de ces formules dont l’obscurité étudiée semble aussi bien faite pour décourager la pénétration du disciple que pour l’exercer, les Sûtras nous montrent autour de Çâkya un nombreux auditoire, composé de tous ceux qui désirent l’écouter, et, dans son langage, ce besoin de se faire comprendre qui a des paroles pour

  1. Notices of the languages, dans Asiat. Researches, t. XVI, p. 422.
  2. Foe koue fei, p. 321, note 6.
  3. Hodgson, Notices of the languages, litterature, etc., dans Asiat. Res., t. XVI, p. 422.
  4. Hodgson, Quot. from orig. Sanscr. author., dans Journ. of the Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 87, note †.