Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/118

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avaient le dépôt et de fermer aux hommes le royaume du ciel. Ce royaume ne pouvait être ouvert à tous que par le Messie, fils de Dieu ; la filiation divine du Messie faisait partie de la doctrine secrète, tandis que le commun des Juifs n’attendait qu’un messie terrestre, un roi-prophète, descendant de David. Or, publiquement, Jésus ne se donnait que comme fils de l’homme, expression qui ne pouvait s’entendre ni de l’un ni de l’autre des deux messies. Quand Pierre eut confessé le Christ en Jésus et que les autres disciples l’eurent aussi reconnu en lui, Jésus leur interdit d’en parler à personne. A mesure qu’il avance dans sa carrière, son caractère messianique se montre de plus en plus clairement aux yeux de ses compagnons ; mais le peuple ne voyait tout au plus en lui qu’un prophète et un homme d’une science et d’une puissance extraordinaires. Quant aux pharisiens, leurs craintes et leur hostilité allaient croissant, parce que, connaissant eux-mêmes par tradition la théorie du Messie, ils redoutaient de la voir se réaliser en Jésus. Tels sont les faits que la lecture des Évangiles nous révèle.

On se ferait une idée très-fausse du fondateur du christianisme, si l’on pensait qu’en prêchant sa doctrine il se jetait dans les hasards et courait volontairement à la mort ; si le récit en est vrai, il l’a subie, il ne l’a point recherchée ; la conscience qu’il avait de sa destinée ne l’a point laissé reculer devant le dernier supplice. S’appliquant à lui-même tout le premier la théorie du Christ, quand il vit qu’il ne pouvait réaliser sa mission sans mourir, il accepta la mort avec cette douceur ineffable que nul homme n’a égalée : telle est la légende ; mais, durant toute sa prédication, ses disciples le virent user pour lui-même d’une prudence quelquefois supérieure à la leur, et leur livrer à eux seuls un mystère que le peuple juif n’était pas préparé à entendre. Ce fut au