Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/119

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dernier moment qu’il avoua presque malgré lui, et en termes équivoques, sa qualité de fils de Dieu, aveu que ses ennemis déclarèrent un blasphème. S’il eût proclamé tout d’abord ce mystère, il est à croire que sa mission eût échoué dès le début. La prudence qu’il montre si souvent dans les Évangiles exclut de sa personne toute exaltation et rehausse encore sa douceur.

Jésus mourut donc sans avoir divulgué la théorie secrète sans laquelle son rôle était inexplicable et sa religion impossible : sur ce point, l’apparence même du doute doit disparaître, tant les textes sacrés sont formels. A partir de ce moment, l’apparition progressive du mystère se déroule comme un drame qui commence à Pierre et ne se dénoue que par l’évangile de Jean. On ne connaissait de Jésus que ses discours publics et ses miracles ; son nom même usité depuis longtemps était un symbole obscur ; sa vie était presque inconnue ; sa mort seule avait frappé d’étonnement ceux qui en avaient été les acteurs ou les témoins. Quant à sa pensée intime, on l’ignorait ; on savait seulement qu’il avait une doctrine mystérieuse dans laquelle un rôle extraordinaire lui était assigné, et dont il avait livré le dépôt à ses plus chers confidents.

Ceux qu’on a nommés les apôtres, et dont le nombre a été fixé à onze, si l’on en retranche le traître Judas, ne furent pas les premiers qui parurent en scène après la mort de Jésus. Ils étaient demeurés à Jérusalem : Juifs, frappés de terreur par la mort du maître, relevant d’ailleurs de la loi mosaïque dont l’application était aux mains de leurs ennemis, ils gardaient le secret et ne le confiaient qu’à un petit nombre de fidèles ; publiquement ils affirmaient, Pierre à leur tête, que Jésus n’avait point voulu renverser la loi ; ils assistaient aux cérémonies du temple et reconnaissaient la circoncision.