Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/133

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De là sont nés ce prosélytisme, cette abnégation sans mesure, qui ont fait de ses apôtres les civilisateurs de peuples auparavant barbares, comme ceux du Tibet et de la Presqu’île au delà du Gange. Ces peuples sont restés de très-mauvais métaphysiciens, mais ils ont vu leur mœurs s’adoucir, et ils font dater du bouddhisme le commencement de leur civilisation. De là aussi cet esprit d’association religieuse qui a donné dans tout l’Orient un si grand empire aux églises bouddhiques, qui a fait de la prédication un des premiers devoirs des prêtres, de la confession une pratique ordinaire, et qui poussant beaucoup d’hommes à la recherche d’une pureté morale presque impossible, a peuplé de couvents (vihâras) une portion de l’Asie et nous montre aujourd’hui des villes populeuses entièrement composées de monastères[1].

Le bràhmanisme est loin d’avoir donné à l’institution morale la même universalité que le bouddhisme. Nous voyons, il est vrai, dans un temps déjà ancien, la conduite des hommes préoccuper les brâhmanes qui ont rédigé les Lois de Manou ; mais ce livre, qui est le code brâhmanique moderne, a bien plutôt pour objet de fixer les bases de la constitution sociale et de l’organisation politique de l’Inde que de conduire tous les hommes, sans distinction de castes et de races, dans la voie de la vertu. La loi de Manou exige bien peu en cela des hommes de condition inférieure : elle est plus sévère pour les seigneurs de caste royale ; elle n’impose la pureté morale et la perfection qu’aux hommes et aux femmes de la caste sacerdotale. D’autre part, la métaphysique occupe une place importante dans les Lois de Manou : elle en remplit presque à elle seule le premier et le dernier livre. Il y a plus de théorie dans ce seul

  1. Voyez le Père Huc, Voyage en Chine et au Tibet, et Hiouen Tsang traduction de Stanislas-Julien.