Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/15

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semble être sans dieu : c’est le bouddhisme ; mais ceux qui prennent le bouddhisme pour une école athée ou une philosophie matérialiste oublient que le panthéisme est le fond de cette religion comme de celle des brahmanes. Le bouddhisme reconnait les mémes formes suprêmes de la divinité que le brahmanisme, et il honore dans Çâkyamuni, son fondateur, celui de tous les hommes qui s’est le plus rapproché de la divinité par sa science et par sa vertu.

Il est à remarquer que plus on descend vers les religions grossières et infimes, plus le dieu est facile à concevoir, et que plus on monte vers les religions idéales, moins il est saisissable à la pensée. Le bouddhisme est aussi élevé parmi les religions orientales que le christianisme parmi celles de l’Occident ; si le dieu des bouddhistes semble nous échapper, celui des chrétiens quand on vient à analyser sa nature, est aussi presque insaisissable. Les docteurs chrétiens sont unanimes à déclarer que leur dieu est caché et incompréhensible, qu’il est plein de mystères, qu’il est l’objet de la foi et non pas de la raison. Au contraire, les dieux grecs et latins parlaient à l’imagination ; ils avaient un corps comme le nôtre, quoique plus grand et plus fort ; ils avaient nos passions ; ils raisonnaient comme nous, et, comme nous aussi, se trompaient dans leurs raisonnements ; enfin, ils avaient pris naissance, et quelquefois même ils mouraient. Pour les bien concevoir, il suffisait d’avoir observé les hommes et d’être artiste. Descendez plus bas et jusqu’au dernier degré : une poupée, un morceau de bois, un caillou, voila le dieu de plus d’une peuplade barbare, aujourd’hui même. Cet objet dont un chimiste peut me dire les éléments, qui n’a pas même la vie matérielle, c’est pourtant bien un dieu. C’est lui qui fait que ces hommes de race infime ont une religion ; il en forme à lui seul la moitié ; des