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gatoires eux-mêmes peu à peu abandonnés par les hommes. Les femmes ont plus de loisirs et de dévotion, mais quand les nécessités de la vie courante les ont atteintes à leur tour, on les voit, elles aussi, se retirer du culte public ; les autels sont délaissés, et les rites qui avaient paru d’abord la partie principale de la vie commune semblent n’avoir plus de raison d’être. Enfin, quand le nombre de ceux qui les suivaient s’est réduit à rien, la religion a péri, tant il est vrai que le rite en était un élément essentiel.

La question de l’origine et de la nature des rites partage aujourd’hui les savants. Le dissentiment provient de la diversité des doctrines philosophiques. Ceux qui penchent vers les systèmes matérialistes renouvellent, sous des formes plus savantes, les doctrines épicuriennes de Lucrèce : ils rapportent à des illusions de l’esprit et à une sorte de sentiment poétique la création des rites, comme celle des dogmes[1]. La linguistique apporte à cette interprétation des armes nouvelles, et semble lui rendre l’autorité que la réfutation des systèmes épicuriens lui avait ôtée. Il est certain que, quand la notion de Dieu donne naissance à un culte, elle subit une transformation poétique sans laquelle les rites ne se produiraient pas. L’Être absolu ne peut que difficilement être adoré ou prié ; mais aussitôt qu’il est conçu comme providence, c’est-à-dire comme exerçant dans le monde sa propre activité, un rapprochement a lieu entre lui et les hommes : il devient accessible ; la prière et les actes pieux peuvent cesser de lui être indifférents. Je suppose qu’une société d’hommes n’ait pas de son dieu une notion métaphysique très-élevée, la prière ne peut être alors qu’une rogation, et le rite un hommage qui paie le prix d’une faveur et en prépare de nouvelles. Telle

  1. Nunc quæ causa deum per magnas numina gentes
    Pervolgarit et ararum compleverit urbes… etc.