Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/23

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est la religion du Vêda. Dans une religion conçue de la sorte, le dieu, sa loi, son action, le sentiment religieux, la prière et le culte ; tout revêt des couleurs humaines que le langage est parfaitement apte à reproduire. Le linguiste qui ne remonte pas à l’origine de l’idée et n’en considère que l’expression, peut croire que le dieu n’est qu’un terme poétique pris à la lettre et une métaphore réalisée. Vishnu est un mot qui signifie pénétrant, et qui peut s’appliquer au soleil, dont les rayons pénètrent toutes choses ; dès lors on est conduit à penser qu’avant d’être conçu comme un dieu, Vishnu a été simplement le soleil. Jupiter devient l’époux de Léda, et a d’elle Hélène : or, Jupiter n’est autre que le ciel lumineux (Ζεῦς, en sanscrit dyaus) : Léda, c’est la Nuit, qui cache toutes choses ; la fille brillante du Ciel et de la Nuit, que peut-elle être, sinon la Lune, que l’on nomme en grec Sélénè ? Le mot Σελήνη est identique au mot Ἑλένη Héléne, fille de Jupiter et de Léda, a donc été simplement la lune, avant de passer pour la plus belle femme de son temps et pour la cause de la grande guerre de Troie.

Telle est la méthode d’interprétation appliquée par quelques savants aux rites et aux dogmes. S’ils veulent dire que l’identité du nom propre d’un dieu avec un nom commun ou avec un adjectif suffit pour expliquer l’origine de ce dieu et son introduction dans le dogme, je n’hésite pas à déclarer que c’est là une doctrine fausse et funeste, car elle réduit la science des religions à une simple application de la linguistique : si Vishnu n’est rien que le soleil radieux, si Jupiter n’est rien que le ciel, je ne vois dans ces êtres divins que des faits matériels revêtus d’expressions poétiques, et dans leurs légendes que le développement naturel de ces faits. Une fois engagé dans cette voie des interprétations grammaticales, on admet nécessairement que toute conception