Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/283

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il ne voit dans l’antagonisme des éléments sociaux que cette lutte universelle à laquelle rien n’échappe, où les ressorts de la nature viennent incessamment se retremper.

Il résulte de là que, partout où la science est en progrès, l’orthodoxie est en décadence ; elles marchent en sens contraire d’un pas égal. S’il venait un jour où la science eût rallié à elle tous les éléments d’une société, l’orthodoxie locale disparaîtrait en même temps. C’est ce qui est arrivé pour le polythéisme, à la chute duquel la science grecque a plus contribué que le christianisme naissant. De nos jours, presque toutes les orthodoxies sont en décadence, sans qu’aucune d’elles soit sur le point de s’anéantir ; le brâhmanisme dans l’Inde perd du terrain devant le progrès de la science européenne et de ses applications ; il en est de même de l’orthodoxie hellénique, de celle des Latins et même des demi orthodoxies protestantes des peuples germaniques ; les églises musulmanes, malgré le dédain de la science qu’elles ont inspiré aux populations, voient leur force diminuer à Constantinople et au Caire. La Russie est à cet égard un des pays les plus arriérés ; mais le jour ne semble pas éloigné où elle sera elle-même entraînée sans retour dans le mouvement général du monde.

La chute des orthodoxies est plus ou moins accélérée par des causes dont l’action varie avec les milieux. La race est encore une de ces causes. Il y a en effet des races humaines sur lesquelles la science a peu de prise, et même dont les idées religieuses ne s’élèvent pas bien haut. Dans la partie nord-est de la Russie, le christianisme est une pure idolâtrie ; la science non plus n’y a pas encore pénétré. Il n’en est pas de même dans le sud-ouest de cet empire, et cette différence n’est pas due seulement au voisinage des peuples civilisés ; elle est due surtout à la différence des races, l’est étant