Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/5

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beaucoup les limites de l’histoire, elle touche à des sciences nouvelles qui en sont encore à leurs commencements, et dont elle ne peut accepter les données sans contrôle et sur la foi des savants.

Parmi celles-ci, la linguistique occupe la première place : par elle, on remonte dans le passé fort au delà des plus anciens monuments écrits ; on peut reconnaître les notions religieuses qui, dans ces temps reculés, furent le bien commun de toute une race d’hommes, et ce que les peuples issus de cette race y ont ajouté plus tard ; mais la linguistique existe à peine comme corps de science ; il n’y a pas un livre où elle soit exposée selon sa méthode et dans ses développements essentiels. Quand on la transporte dans des sujets religieux, par exemple dans la mythologie, on est exposé au double péril d’y apporter de faux principes et de les mal appliquer.

La philosophie, qui n’est pas une science particulière, mais qui domine toute recherche théorique, intervient aussi pour sa part dans la science des religions. Sans doute, les systèmes métaphysiques ne changent rien aux faits et modifient peu les inductions qu’on en tire ; mais la science des religions n’est pas simplement une réunion de faits : comme la philosophie de l’histoire, elle est une théorie, et, suivant les systèmes philosophiques que vous aurez adoptés, vous construirez de façons différentes la partie interprétative de la science. Un homme appartenant à une école sensualiste ne verra dans le dieu des modernes qu’une illusion, dans les dieux d’autrefois que des jeux d’esprit, des figures poétiques ou des mots personnifiés ; un philosophe spiritualiste y verra tout autre chose.

Enfin, on n’abordera pas l’étude dont il s’agit avec des dispositions semblables, si l’on y apporte les idées d’un homme de science désireux de connaître la vérité