Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/6

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en général, ou si l’habitude de vivre dans un certain ordre de croyances nous fait désirer d’en trouver dans la science la confirmation. Un chrétien fervent se scandalisera si l’on vient lui dire au nom de la science que les dieux du paganisme n’étaient pas des conceptions fausses, lui qui les a toujours appelés des faux dieux. Tel philosophe aussi ne comprendra pas que l’on admette la divinité du Christ. Et cependant, il est certain que les dieux ont été adorés par des peuples qui, a bien des égards, nous égalaient en civilisation ; d’une autre part, il y a, même pour le philosophe incrédule, une manière très-simple de comprendre et d’admettre la divinité de Jésus[1]. Toute science, celle des religions plus que les autres, veut un esprit libre et dégagé d’idées préconçues : comme elle s’adresse aussi bien au brahmane dans l’Inde et au Bouddhiste à Siam ou en Chine qu’au chrétien en Europe, il est de toute nécessité que chacun garde sa foi dans son cœur, et permette à son intelligence de suivre les voies que la raison lui ouvre et qui ne sont ni moins sûres, ni moins obligatoires que celles de la foi. La science des religions n’a rien de commun avec la polémique religieuse : les hommes qui depuis plus d’un demi-siècle en élaborent les éléments ne sont les ennemis d’aucune religion particulière et n’attaquent aucun culte ; ils ont droit à la même tolérance. Notre siècle d’ailleurs doit trop aux sciences pour souffrir à l’égard de l’une d’elles les anathèmes dont la géologie fut l’objet il y a quelques années : cette science, comme les autres, s’enseigne

  1. On peut en effet, comme nous le verrons ci-après, démontrer que la notion de Christ est de beaucoup antérieure à l’ère chrétienne, et qu’elle fait partie du domaine commun des grandes religions. Ramenée à son origine, elle se confond avec celle du feu, de la vie et de la pensée, considérés dans leur principe éternel auquel il est permis de donner le nom de Dieu, qu’il soit d’ailleurs réel ou abstrait.