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pression de la pensée dans ce qu’elle a de plus divin, et, qu’étant personnifiée elle donne lieu à une grande divinité mythologique. Ainsi se trouvèrent préparés les éléments dont la réunion forma plus tard la trinité indienne : Brahmâ représenta la pensée, et avec elle la science et la religion ; Vishnou, la vie dans son unité divine et dans ses incarnations ; Çiva, la loi du retour en vertu de laquelle tous les êtres vivants et pensants, ainsi que les formes inorganiques, disparaissent et retournent à leur origine.

Quant à Agni, ce qu’il y avait en lui de métaphysique n’ayant plus de raison d’être, il ne fut plus que le feu sacré, portion symbolique du culte, bouche des dieux, messager qui transmet en vapeurs odorantes à leur vaste corps l’offrande de ceux qui les adorent. Il ne restait plus, pour constituer le panthéisme, tel qu’il existe dans l’Orient depuis tantôt trois mille ans, qu’à concevoir ces divinités comme des formes d’un même être absolu, et à ramener cette diversité de figures à une unité de laquelle toute figure fût exclue. C’est cette unité qui reçut le nom neutre de Brahma.

Essayons de remonter plus haut dans le passé des temps védiques. Nous n’y trouvons aucune trace de panthéisme ; l’idée de création ne s’y rencontre pas davantage. Les plus anciens hymnes et tout ce qu’ils nous permettent de connaître des temps qui les ont précédés ne laissent aucun doute sur la nature de ces religions primitives : c’était le polythéisme et rien autre chose.

Ce fait est considérable dans la science, car il est en opposition formelle avec ce que croient beaucoup de gens que toutes les religions procèdent d’un monothéisme primitif ; cette opinion est fausse ; il faut absolument y renoncer. Plus les hymnes du Vêda sont anciens, moins ils laissent entrevoir l’idée d’un dieu uni-