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NOTES.

fisent, je pense, pour établir l’identité de ces deux personnages, celui que nomme le Foe koue ki, et le Religieux Aniruddha du Lotus de la bonne loi ; et j’ajoute que c’est à ce nom d’Aniruddha que se rapportent les transcriptions chinoises a na liu, a na liu tho, et surtout a ni leou theo. Mais il ne doit pas en être ainsi de a neou leou tho, que le Foe koue ki traduit par « conforme aux vœux, » et où j’avais cru retrouver le sanscrit anuvrata, quand je n’avais encore à ma disposition aucun des ouvrages buddhiques que je puis consulter aujourd’hui. Je suis convaincu maintenant que cette transcription chinoise exprime le sanscrit Anuruddha, nom du cousin germain de Çâkyamuni, lequel est cité plus d’une fois dans le curieux récit des derniers moments de Çâkya. La note précitée du Foe koue ki traduit a neou leou tho par « conforme aux vœux, » traduction qui nous conduit assez directement au terme sanscrit original anuruddha, par le sens de « conformité, ressemblance, » qu’exprime le préfixe anu. Or c’est le préfixe qui a ici toute l’importance, puisque c’est lui qui distingue nettement le nom d’Anuruddha de celui d’Aniruddha.

Le nom qui vient ensuite, celui de Kapphiṇa, est écrit diversement ; cette leçon qui est celle du manuscrit de la Société asiatique, est remplacée par celle de Kam̃philla dans les deux manuscrits de M. Hodgson, et par celle de Kapphilla dans le manuscrit de Londres. J’avais adopté pour ma traduction la variante Kapphiṇa, parce que je l’avais trouvée justifiée par le passage suivant de l’Abhidharmakôça vyâkhyâ : êvam̃ tchâivam̃tcha râdjâ kapphiṇô bhavati, « et c’est ainsi que Kapphiṇa devient roi[1], » et aussi par la version tibétaine, qui lit ཀ་པི་ན་ Ka-pi-na. Mais aujourd’hui je suis un peu ébranlé par l’accord des trois manuscrits qui lisent ll le groupe que le manuscrit de la Société asiatique écrit  ; les signes indiens qui représentent l et sont si faciles à confondre, surtout dans une écriture cursive (comme serait celle du Bengale avec laquelle le tibétain a de très-grands rapports), que les Lotsavas tibétains eux-mêmes ont pu se tromper sur la meilleure variante à choisir. De plus la leçon Kamphilla aurait l’avantage de donner un sens ; on pourrait la regarder comme la forme pâlie du sanscrit Kâmpilya, qui désigne une ville d’une assez grande célébrité, que le Vichṇu purâṇa place dans la partie méridionale du pays des Pantchâlas[2]. Au reste, on comprend qu’il ne soit pas très-facile de se reconnaître du premier coup, sans d’autres secours que celui de quelques manuscrits incorrects, au milieu de ces leçons divergentes. Ainsi, pendant que nous trouvons un seul et même nom propre écrit de ces trois manières différentes Kapphiṇa, Kapphilla et Kamphilla, nous voyons le Lalita vistara, autre ouvrage canonique des Buddhistes du Nord, énumérer dans une liste analogue à celle qui nous occupe, deux personnages distincts l’un de l’autre, sous les noms de Kaphina et Kachphila[3]. Ne serait-il pas possible que nos manuscrits du Saddharma puṇḍarîka eussent réuni à tort pour en faire le nom d’un seul et même personnage, des orthographes appartenantes à deux noms distincts ? Cela me paraît très-probable, et quant à présent, voici le résultat auquel je m’arrête : Les orthographes Kapphiṇa, Kaphina, Kapphilla et Kamphilla désignent un seul et même personnage, le Kapphiṇa du Lotus, qui avant de devenir Religieux était le roi nommé Mahâ Kapphiṇa, d’après le

  1. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 18 a, init.
  2. Wilson, Vishṇu pur., p. 187 et 452 ; Lassen, Ind. Alterthumsk, t. I, p. 601.
  3. Foucaux, Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 3.