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CHAPITRE PREMIER.

c’est-à-dire, parce que tu n’as jusqu’ici atteint que le premier des quatre degrés qui conduisent à la dignité d’Arhat. Mahânâma, dans le commentaire qu’il a écrit lui-même sur son Mahâvam̃sa, après avoir rapporté les mots « demain a lieu la réunion, » ajoute tvañtcha sêkhô sakaraṇîyô, « et toi, tu es Sêkha, c’est-à-dire que tu as encore des devoirs à remplir[1]. » Voilà pourquoi les Religieux l’engagent à faire les efforts nécessaires, sadatthê, dit le texte, c’est-à-dire, selon le commentaire, sakatthê, « pour atteindre à son but, » qui est d’obtenir l’état supérieur d’Arhat. Se rendant à leurs exhortations, Ânanda parvient après des efforts énergiques à cet état d’Arhat qui est, dit le texte, « affranchi de la voie des (quatre) positions, » sens sur lequel Mahânâma ne laisse aucun doute en le commentant ainsi : tchatu iriyâpatha virahitam. On sait que les quatre positions sont la marche, la station, la position assise et la position couchée[2]. Or ce sont là autant de conditions propres à tout homme vivant en ce monde ; on les trouve souvent rappelées dans les textes du Sud, et pour n’en citer qu’un exemple, dans le passage suivant : Addasanigrôdha sâmaṇêram râdjag̃gaṇêna gatchtchhantam̃ dantam̃ guttam̃ santindriyam iriyâpathasam̃pannam. « Il vit le Sâmaṇêra (le novice) Nigrôdha, s’avançant dans l’enceinte royale, maître de lui, s’observant bien, les sens calmes, ayant une (des quatre) positions [décentes][3]. » En devenant Arhat, Ânanda s’affranchissait de la nécessité de rester dans une de ces quatre positions qui retiennent l’homme attaché à la terre, c’est-à-dire qu’il acquérait les facultés surnaturelles que l’on attribue aux Arhats. Voilà certainement le sens du texte que Turnour a un peu trop forcé par ces mots, « s’étant affranchi de l’empire des passions humaines. » Outre que c’est l’état d’Arhat qui est affranchi, ce qui du reste revient à peu près au même, ce n’est pas des passions humaines que le texte veut ici nous le représenter affranchi, quoiqu’il ait en réalité cet avantage, mais bien des conditions physiques qui fixent le corps humain sur la terre. Et c’est à dessein que l’attention du lecteur est attirée sur cette espèce d’affranchissement, puisque plus bas l’auteur nous apprend qu’Ânanda se rendit miraculeusement à l’Assemblée par la voie de l’atmosphère. L’idée que le titre d’Arhat n’est donné qu’aux sages possesseurs de facultés surnaturelles, est si familière aux Buddhistes et particulièrement à ceux du Sud, que quand les Singhalais parlant d’un Arhat veulent définir ce titre, ils ajoutent : c’est un sage qui a le pouvoir de traverser les airs en volant.

Quant à la forme du terme pâli sêkha, laquelle correspond au sanscrit sâikcha, elle présente cette irrégularité, qu’un des deux k nécessaires en est absent ; en effet, puisqu’on dit asêkkha de asâikcha, on devrait dire sêkkha de sâikcha. Ce retranchement du premier k se retrouve également dans le mot vimôkha, « affranchissement, » qui devrait s’écrire vimôkkha. Peut-être est-ce une trace de l’influence du dialecte mâgadhî sur le pâli ; peut-être aussi ce retranchement résulte-t-il de l’allongement de la voyelle ê devant le kh aspiré unique. Je le croirais d’autant plus volontiers, que l’on trouve aussi sêkkha, notamment dans la phrase suivante, empruntée à la glose de Mahânâma sur le Mahâvam̃sa : puthudja nasêkkha bhûmim atikkamitvâ, « ayant franchi le degré d’homme

  1. Mahâvam̃sa ṭîkâ, fol. 52 b.
  2. Abhidhân. ppadîp. l. III, c. iii, st. 5 ; Clough, Singhalese Dictionary, t. II, p. 70.
  3. Thûpa vam̃sa, f. 15 b.