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NOTES.

ordinaire et de disciple[1]. » Je reviendrai ailleurs sur le titre de puthudjana, ci-dessous, chap. XV, fol. 170 b.

Mahâpradjâpatî.] Ce nom est celui de la tante de Çâkyamuni[2] ; on sait également que Yaçôdharâ est la femme qu’avait épousée Çâkya quand il n’était pas encore entré dans la vie religieuse, et que Râhula est le fils qui était issu de ce mariage[3].

Incapables de retourner en arrière.] Cette expression doit faire allusion soit à la persévérance avec laquelle les Bôdhisattvas poursuivent l’objet de leurs efforts et se préparent à leur mission libératrice, soit à l’avantage qu’ils ont, grâce à leurs mérites antérieurs, de ne devoir plus se détourner du but que cette mission leur assigne. Il n’est pas sans intérêt de retrouver cette expression sous une forme légèrement modifiée dans un monument épigraphique dont l’origine buddhique est incontestable. Je veux parler d’une inscription sanscrite découverte à Buddhagayâ et expliquée en 1836 par J. Prinsep et par son Pandit Ratnapâla. À la quatrième ligne de cette inscription, on lit sur le fac-simile comme dans la transcription de J. Prinsep : avinivartaniya bôdhisattva tcharita, « qui observe les pratiques d’un Bôdhisattva incapable de se détourner ; » la voyelle a que je rétablis ici pour obtenir le mot entier, se trouve engagée dans le mot parâyaṇâ qui termine l’épithète précédente[4]. Il est sans doute singulier de voir ce titre, si élevé pour un Bôdhisattva, figurer dans une des épithètes dont l’inscription décore le ministre d’un petit roi du Bengale : mais cela prouve certainement deux choses, l’une, que le titre était très-familier aux Buddhistes ; l’autre, que le Buddhisme était déjà assez ancien dans cette partie de l’Inde pour qu’on pût prodiguer un tel titre à l’un des officiers royaux. Or cette dernière observation reçoit une confirmation directe de la date même de l’inscription, que tous les indices placent vers le milieu ou à la fin du xiie siècle de notre ère. L’expression qui nous occupe, avâivartya, est représentée comme il suit par la version tibétaine : bla-na-med-pa yang-dag-par rdsogs-pahi vyang-tchhub-las fyirmi ldog-pa, où il n’est pas douteux que le mot sanscrit primitif ne soit rendu par un terme signifiant « se détourner, se désister. » Schröter qui donne l’expression tibétaine citée tout à l’heure[5], jusqu’au monosyllabe las, la traduit par « atteindre à la sainteté parfaite. » C’est là plutôt un commentaire qu’une traduction, et il me semble que le Dictionnaire de Csoma de Körös fournit pour chacun des éléments de cette expression le sens suivant : « qui ne se détournent pas du suprême et très-purement parfait état de Buddha. » En effet, les deux monosyllabes tibétains vyang-tchhub, qui figurent comme première partie dans la traduction du titre de Bôdhisattva, remplacent le sanscrit Bôdhi, « l’état de Buddha ; » et les autres mots, de leur côté, équivalent aux termes samyak sam̃, parties composantes du mot sacramentel samyaksam̃bôdhi, lequel désigne un être qui est samyaksam̃buddha, c’est-à-dire « parfaitement et complétement Buddha. » La version tibétaine entend donc l’épithète avâivartika, « qui ne se détourne pas, » comme

  1. Mahâvam̃sa ṭikâ, f. 15 a.
  2. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, p. 278.
  3. Ibid. p. 181 et 278.
  4. Prinsep, Facsimiles of var. ancient Inscr. dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 667, 669 et 660.
  5. Bhotanta Diction., p. 249, col. 1.