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CHAPITRE PREMIER.

rect il est vrai, de ceux de M. Hodgson. Mais le manuscrit de la Société asiatique et une autre copie de M. Hodgson lisent pratisam̃uktâm, en faisant rapporter cet attribut à samyaksam̃bôdhim. D’après cette lecture, il faudrait traduire, « l’état suprême de Buddha parfaitement accompli qui embrasse les six perfections. » Cette version me paraît aujourd’hui préférable à celle que j’avais adoptée, parce qu’elle marque un parallélisme plus complet entre la formule de l’enseignement donné aux Bôdhisattvas, et celle de l’enseignement donné aux Çrâvakas. Ce serait ici le lieu d’examiner ce que sont les six perfections auxquelles il est fait allusion dans notre texte ; mais cette recherche exigeant des développements trop étendus pour une note, je l’ai rejetée à l’Appendice, où l’on trouvera, sous le no VII, ce que j’ai pu réunir de plus précis et de plus clair touchant les six perfections.

La science de celui qui sait tout.] C’est la science d’un Buddha ; l’épithète de sarvadjña, « omniscient, » est si bien synonyme du titre de Buddha, qu’un des manuscrits de M. Hodgson lit dans ce passage même Buddhadjñâna.

Ô toi qui es invincible.] Cette qualification est exprimée dans le texte par le mot adjita ; elle s’applique au Bôdhisattva ou Buddha futur Mâitrêya. J’en ignore jusqu’à présent l’origine : je remarque seulement qu’elle doit être classique, car on la trouve dans le vocabulaire intitulé Trikâṇḍa çêcha, au nombre des synonymes du nom de Mâitrêya[1].

f. 12 a. Huit fils.] La courte légende des huit fils du Buddha Tchandra sûrya pradîpa est racontée au commencement du Sugatâvadâna, qui est un Sûtra en vers, f. 35 et suiv. En examinant ce récit qui est conçu en vers sanscrits très-plats, mais nullement mélangés de pâli, il est impossible de ne pas rester convaincu de la postériorité de la rédaction poétique, comparée à la version en prose du Saddharma puṇḍarîka. La différence se remarque surtout aux traits qu’ajoute le Sugatâvadâna, connue à ceux qu’il retranche, et aussi à la liberté avec laquelle il dispose des données du récit, déplaçant par exemple, dans l’énumération des titres du Buddha, les épithètes qui sont caractéristiques et dont l’ordre est en quelque sorte réglé, non pas seulement chez les Buddhistes du Nord, mais aussi chez ceux du Sud, depuis une époque qui a certainement précédé la séparation du Buddhisme en deux grandes écoles.

Que le Bienheureux avait quitté le séjour de la maison.] L’expression dont se sert le texte est abhinichkrântagrĭhâvâsam ; elle est consacrée pour exprimer le départ de celui qui abandonne sa maison, c’est-à-dire le monde, afin de se faire Religieux. On y retrouve le sens classique donné par Wilson dans son Dictionnaire, et justifié par la décomposition des éléments : nichkrânta, « sorti, » et abhi, « vers, » c’est-à-dire, « sorti (de la maison) pour « aller vers l’état d’ascète. » Cette explication, qui est concluante pour le verbe, l’est également pour le substantif abhinichkramaṇa. La signification est en quelque manière légalement établie par le titre même du chapitre que le Lalita vistara a consacré à la description

  1. Trikâṇḍa çêcha, ch. i, sect. I, st. 24 ; éd. Calc. p. 3.