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NOTES.

que d’autres manuscrits lisent sam̃staraṇya, qui signifie lit ou matelas. Cette épithète, que les manuscrits terminent à tort par la désinence âm̃ pour ân, est suivie de duchya paṭṭa vastrâstîrṇân, que l’on ne peut guère traduire autrement que comme je propose maintenant de le faire. Le seul terme intéressant de ces énumérations est gôṇika, qui rappelle le terme pâli gôṇa, « bœuf, » mot que l’on rencontre dans la langue du Lotus, notamment un peu plus bas, à l’endroit où le texte parle de bœufs attelés à des chars : gôṇâir yôdjitân ; ce mot est également usité, chez les Singhalais, qui l’ont emprunté au pâli[1].

À quoi bon donnerais-je d’autres chars à ces enfants ?] La phrase du texte est ainsi conçue : Alam mê êchâm̃ kumârakânâm anyâir yânâir dattâir iti, littéralement : « Assez d’autres chars ont été donnés à ces enfants qui sont à moi. » Il est possible que l’interprète tibétain ait eu sous les yeux un autre texte, car sa version signifie, si je ne me trompe : « Si je ne donnais pas de chars à ces enfants, qu’aurais-je à faire ? »

f. 45 b.En possession de ta science, de la force, etc.] Maintenant que nous sommes fixés sur la valeur de ces termes abstraits, il est possible de traduire avec plus d’exactitude : « En possession des conditions d’un Buddha, qui sont la science, les forces, les intrépidités, les qualités d’indépendance du Tathâgata. »

f. 46 a.Conditions du monde.] Le terme dont se sert le texte est l’adjectif drĭchṭadhârmika, « relatif à la condition visible, » c’est-à-dire au monde actuel. L’Abhidharma koça vyâkhyâ explique ainsi drĭchṭadharma : drĭchṭô dharmaḥ drĭchṭadjanmêtyarthah, » la condition vue, « c’est-à-dire la naissance vue, (actuelle). » C’est également ce sens que l’on retrouve dans la traduction que I. J. Schmidt a faite du Vadjra tchtchhédika tibétain ; le drîchṭa êva dharmê du texte y est traduit par bis zur gegenwärtigen Geburt[2]. L’interprète tibétain du Saddharma rend de même le mot qui nous occupe par « dans le temps actuel. » On voit que drĭchṭa conserve chez les Buddhistes la signification spéciale qu’il a chez les Brâhmanes, quand il est opposé à adrĭchṭa, « l’invisible, le monde futur. » Cela paraît clairement par l’emploi que font les Buddhistes du Sud de cette expression ; chez eux diṭṭhé tchêva dhammé signifie « dans ce monde, » et est opposé à samparâya, « le monde futur[3] ; » et l’Abhidhâna ppadipikâ définit le diṭṭhadhammika par « le fruit des actions en ce monde[4], » ce qui revient à peu près au même, puisque l’existence de l’homme en ce monde est le fruit de ses actions antérieures.

Ils éprouvent des maux, tels que la condition de Dêva, etc.] Le texte est ici un peu confus, et je crains de n’en avoir pas saisi le sens véritable ; je propose maintenant de traduire ainsi : « ils éprouvent des maux tels que la présence des choses qu’ils ne désirent pas et

  1. Clough, Singhal. Diction., t. II, p. 183.
  2. Vadjra tchtchhêdika, f. 41 b, comp. à Mém. de l’Acad. des sciences de S. Péters­bourg, t. IV, p. 200.
  3. Turnour, Examin. of Pâli Buddh. Annals, dans Journ. as. Soc of Bengal, t. VII, p. 697, correspondant au texte de l’Aggañña sutta, dans Dîgha nikâya, f. 156 b, l. 7.
  4. Abhid. ppadîp. l. I, chap. 1, sect. 4, st. 3.