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CHAPITRE III.

formé de sarva, qui avec l’addition du suffixe vat, offre déjà le caractère de la postériorité, il faudrait au moins au neutre, sarvâvat. Le nominatif neutre sarvâvantam est un exemple du passage d’un adjectif en vat dans la première déclinaison, passage qui a lieu par l’adoption du thème plus développé vanta, et qui est tout à fait conforme à l’analogie du pâli.

f. 44 a.Libre de préoccupation et d’inquiétude.] Les mots du texte sont nirupâdânô vigatanivaraṇaḥ. L’interprète tibétain traduit nirupâdânâ par mya-ngan-med-tching, exactement comme s’il avait sous les yeux açôka, « exempt de chagrin ; » il en résulte que upâdâna passe pour un synonyme de çôka. La même version rend vigata nivaraṇa par sgrib-pa-dang-bral, « exempt d’obscurité, de ce qui offusque. » Cette interprétation représente très-exactement le sanscrit nivaraṇa, surtout quand ce mot est employé au sens moral ou philosophique ; elle a cependant besoin d’être précisée ici.

f. 44 b.Des chars attelés de bœufs.] Pour rendre le texte avec toute la précision désirable, il faudrait dire : « qu’il leur donne seulement des chars attelés de bœufs : » gôrathakân êvânuprayatchtchhêt ; l’emploi du mot évâ a pour objet de dire que, sans s’occuper de distribuer à ses enfants les divers chars qu’il vient de leur promettre pour les engager à sortir de la maison en feu, il ne leur donne qu’une seule espèce de chars, lesquels sont les plus beaux et les plus précieux de tous. Il reste cependant encore une petite difficulté, car la suite de la parabole[1] et la manière dont Çâkya l’interprète, semblent indiquer que le père ne devrait donner qu’un seul char. Ce char, en effet, répondrait au véhicule des Buddhas, au Buddhayâna, le premier, et selon la pensée de Çâkya, le seul réellement existant des trois véhicules dont le Buddha enseigne l’emploi. Mais on peut dire que la similitude n’en est pas moins régulière au point de vue de la délivrance, car les enfants montent chacun dans un char traîné par des bœufs, comme les auditeurs intelligents montent chacun dans le véhicule du Buddha, qui est le Mahâyâna.

Garnis de coussins faits de coton et recouverts de toile et de soie.] La comparaison des nouveaux manuscrits de M. Hodgson me donne le moyen de traduire ces épithètes avec plus de précision que je n’avais pu le faire sur un seul manuscrit : la chose n’a pas en soi une grande importance ; mais nous rencontrons dans ces études tant de causes d’erreur difficiles à éviter, qu’il faut saisir toutes les occasions de porter la précision là où il est possible de le faire. On doit voir dans cette partie de la description des chars deux épithètes, et lire : « garnis de coussins de coton, de couvertures de laine et de matelas ; recouverts de tentures et d’étoffes de soie : » ces deux épithètes se rapportent également aux chars qu’il s’agit de décrire. La première est tûlikâgôṇikâstaraṇân, qui est composée de trois substantifs : 1o  tûlikâ, qui désigne un matelas ou coussin de coton ; 2o  gôṇika, qui n’est pas classique, mais qui se trouve en pâli sous la forme de gônaka, et désigne une courtepointe de laine, comme on le voit par le Vocabulaire pâli[2] ; 3° enfin âstaraṇa, »

  1. Voyez ci-dessous, f. 48 a et la note.
  2. Abhidhâna ppadîp., l. II, ch. iii, sect. 3, st. 29 ; Clough, p. 40.