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LE LOTUS DE LA BONNE LOI.

de la vie ton père, cet homme juste, ce roi juste. Et parce qu’ayant déclaré, grand roi, ta faute à cause de cette faute même, tu en fais l’expiation conformément à la loi, nous acceptons cet aveu de ta part ; car c’est là un progrès, grand roi, dans la discipline d’un Ariya ; l’Ariya ayant déclaré sa faute à cause de cette faute même, en fait l’expiation conformément à la loi ; il s’impose pour l’avenir le frein de la règle.

Cela dit, le roi du Magadhâ, Adjâtasattu, fils de Vêdêhî, parla ainsi à Bhagavat : Eh bien ! maintenant, seigneur, nous nous retirons : nous avons beaucoup d’affaires, beaucoup de devoirs à remplir. — Va donc, grand roi, aux affaires dont tu penses que le temps est venu pour toi. Alors le roi du Magadha ayant accueilli avec plaisir, avec satisfaction ce que Bhagavat avait dit, se leva de son siége, et après avoir salué Bhagavat [f. 23 b] et avoir tourné autour de lui en signe de respect, il se retira. Ensuite Bhagavat, quelques instants après que le roi du Magadha, Adjâtasattu, fils de Vêdêhî, se fut retiré, s’adressa ainsi aux Religieux : Il est blessé, ô Religieux, ce roi, il est atteint. Quelle rencontre, ô Religieux, que ce roi ait privé de la vie son père, cet homme juste, ce roi juste, et qu’il soit venu dans cet endroit même obtenir la vue claire et pure de la loi ! Voilà ce que dit Bhagavat ; les Religieux, satisfaits, accueillirent avec joie ce que Bhagavat avait dit. »


Avant de terminer, je dois faire quelques observations sur diverses particularités de ce Sutta. Ces observations porteront d’abord sur le cadre et sur le nom du roi et du fils du roi qui y figurent, puis sur la doctrine en général qui est exposée par Çâkyamuni. Le roi est Adjâtasattu, fils de Bimbisâra et de Vêdêhî : il est bon de remarquer qu’Adjâtasattu n’est désigné ici que par le nom de sa mère. Serait-ce à cause du parricide dont il s’était rendu coupable et qui est rappelé à la fin du Sutta, ou bien cette désignation spéciale viendrait-elle de ce que Bimbisâra ayant eu plus d’une femme, les fils issus de ces divers mariages ne pouvaient être mieux distingués que par le nom de leur mère ? C’est un point que je ne saurais décider, quoique la seconde supposition me paraisse plus vraisemblable. Du reste, l’usage de cette épithète « fils de Vêdêhî » est aussi familier aux Buddhistes du Nord qu’à ceux du Sud : notre Lotus, ainsi qu’on l’a vu au commencement, la joint également au nom du roi Adjâtaçatru[1]. Le manuscrit du Dîgha nikâya, auquel appartient le précédent Sutta, écrit toujours avec une finale brève le nom de Vêdêhi, pour Vâidêhi en sanscrit ; on n’aurait pas besoin, pour expliquer cet abrègement irrégulier de la voyelle, d’alléguer l’incorrection des manuscrits, puisqu’on sait qu’en sanscrit même une règle autorise l’abrègement d’un certain nombre de féminins en composition. J’ai déjà remarqué que les manuscrits sanscrits du Népal écrivent correctement Vâidêhî putta, « le fils de « la Vidéhenne, » c’est-à-dire de la femme née dans le pays de Vidêha ; cette femme était Çrîbhadrâ : nous y reviendrons tout à l’heure.

Le nom que notre Sutta donne au prince royal fils d’Adjâtasattu, mérite une certaine attention, parce qu’il nous fournit une autorité de plus en faveur de l’opinion des Buddhistes du Sud qui regardent Udâyi bhadda comme fils et successeur d’Adjâtasattu, roi du Magadha. Nous n’avions jusqu’ici que le Mahâvam̃sa, où ce prince est nommé Udâyi

  1. Ci-dessus, f. 4 a, et p. 304.