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CHAPITRE III.

cette même pensée : « En nous introduisant dans le domaine des lois semblables [à nous], Bhagavat nous a fait sortir à l’aide d’un véhicule misérable. » Aussi, ô Bhagavat, cette pensée se présente-t-elle alors à moi : c’est sans doute notre faute, la faute n’en est pas à Bhagavat. Pourquoi cela ? C’est que si Bhagavat était l’objet de notre attention, quand il expose l’enseignement le plus élevé de la loi, c’est-à-dire quand il commence à parler de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli, nous serions introduits dans les lois mêmes [qu’il enseigne]. Mais, ô Bhagavat, parce que, sans comprendre le langage énigmatique de Bhagavat, nous avons, pleins d’empressement, et quand les Bôdhisattvas n’étaient pas rassemblés [autour de Bhagavat], entendu la première exposition de la loi du Tathâgata qui ait été faite ; parce que nous l’avons recueillie, comprise, conçue, méditée, examinée, fixée dans notre esprit, je ne cesse, à cause de cela, de passer les jours et les nuits à m’en adresser des reproches. [Mais] aujourd’hui, ô Bhagavat, j’ai acquis le Nirvâṇa ; aujourd’hui, ô Bhagavat, je suis devenu calme ; aujourd’hui, ô Bhagavat, je suis en possession du Nirvâṇa complet ; aujourd’hui, ô Bhagavat, j’ai acquis l’état d’Arhat ; aujourd’hui, je suis le fils aîné de Bhagavat, son fils chéri, f. 36 b.né de sa bouche, né de la loi, transformé par la loi, héritier de la loi, perfectionné par la loi. Je suis débarrassé de tout chagrin, maintenant que j’ai entendu de la bouche de Bhagavat le son de cette loi merveilleuse que je n’avais pas entendue auparavant.

Ensuite le respectable Çâriputtra adressa dans cette circonstance les stances suivantes à Bhagavat :

1. Je suis frappé d’étonnement, ô grand Chef, je suis rempli de satisfaction, depuis que j’ai entendu ce discours ; il ne reste plus en moi aucune espèce d’incertitude : je suis mûri en ce monde pour le suprême véhicule.

2. La voix des Sugatas est merveilleuse ; elle dissipe l’incertitude et le chagrin des créatures ; et pour moi, qui suis exempt de toute faute, ma peine tout entière a disparu depuis que j’ai entendu cette voix.

3. Quand je reste, en effet, assis pendant le jour, ou que je parcours les forêts immenses, les ermitages et les troncs des arbres, recherchant même les cavernes des montagnes, je suis exclusivement occupé des réflexions suivantes.

4. Hélas ! je suis égaré par les pensées pécheresses, au milieu des lois semblables [à moi], exemptes d’imperfections, puisque certainement je n’exposerai pas au temps à venir la loi excellente, dans la réunion des trois mondes.