Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/659

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
618
APPENDICE. — N° VIII.

les membres d'un homme très-jeune ; il a les canines blanches et égales (ou suivant d’autres, les dents blanches et lisses) ; il a les cils beaux {ou suivant ’d'autres, l’extrémité de ses cils n’est pas recourbée) ; il a les Sourcils minces, les oreilles pleines, grandes et égales ; il a l’organe de l’ouïe sans défaut ; il a le front bien arrondi et large ; il a les cheveux fins ; il a les flancs profonds, les membres gracieux, les bras pleins et longs (ou suivant d’autres, il a les bras et les cuisses semblables à la trompe de l’éléphant). »

Enfin la liste singhalaise possède seule les caractères suivants : « Il a les gencives très-rouges ; il a les membres extrêmement beaux, très-brillants, lisses ; son corps répand une bonne odeur ; ses poils sont égaux, doux, tournants vers la droite, noirs et brillants comme le collyre aux reflets changeants, lisses ; il peut retenir son souffle qui inhalé ou expiré est extrêmement faible ; sa bouche exhale une bonne odeur. »

Après la lecture de ces deux descriptions, il me paraît difficile qu’on hésité sur le jugement qu’il convient d’en porter. C’est bien le type indien qu’elles reproduisent dans ses traits les plus généraux, et spécialement dans ceux de ces traits qui font l’objet ordinaire des louanges des poètes. Le lecteur familiarisé avec les principales productions de la littérature brahmanique, reconnaîtra ici du premier coup le genre de beauté que les Indiens attribuent à leurs héros. Ainsi la longueur des bras donne lieu dans le Mahâbhârata à une des épithètes qui paraît le plus fréquemment pour désigner un héros remarquable par sa vigueur corporelle ; leur forme et leur rondeur les font aussi comparer à la trompe de l’éléphant. L’ampleur de la poitrine, la finesse de la taille, l’élégance de la jambe, l’absence d’une cavité sous la plante du pied, la beauté des membres dont la perfection consiste à ce que les os et les muscles n’y fassent pas de saillies, la délicatesse des mains, le développement de la tête, la largeur du front, la forme proéminente du nez, la régularité des dents qui doivent être rapprochées les unes des autres, la grandeur et la couleur de l’œil qui doit ressembler aux pétales du nymphæa bleu, la finesse des cheveux qui sont lisses, bouclés et noirs, la douceur et le poli de la peau, ce sont là autant de traits qu’on trouve à chaque page célébrés dans les compositions épiques et lyriques de l'Inde ancienne, et dont plusieurs, quoique appartenant à la beauté féminine, sont également attribués à l’homme considéré pendant l’âge florissant de la jeunesse[1]. Il y a là un mélange de caractères appartenant aux deux sexes qui peut nous paraître choquant, mais qui n’est pas sensible pour les auteurs indiens, parce qu’ils le trouvent dans la nature même qui est sous leurs yeux. C’est ce mélange qui donne, aux hommes cet extérieur efféminé qui entraîna quelquefois d’anciens voyageurs dans de si singulières méprises. La description des traits caractéristiques d’un grand homme, tel que le conçoivent les Buddhistes, a donc été exécutée

  1. Je n’en citerai pour exemple que la description sommaire de la personne physique de Râma qui se trouve dans le préambule du Râmâyaṇa, et qui se compose à peu près des mêmes caractères dans la recension du Nord, et dans celle du Gâuḍa. On y remarque de part et d’autre les bras qui descendent jusqu’aux genoux, ou les bras longs, les mâchoires larges, les yeux grands, la face belle, les épaules larges, la poitrine rebondie, les membres réguliers, l’éclat d’une peau lisse. (Râmâyaṇa, I, i, st. 11 ; Schlegel, t. I, p. 5, et 2e part. p. 6 ; Gorresio, t. I, p. 5, st. 13, et t. VI, p. 2 et 3.) Ces mêmes caractères, ainsi que le plus grand nombre de ceux qu’on attribue au Buddha, se retrouveraient également dans les descriptions du Mahâbhârata ; Ardjuna passe pour avoir réuni plusieurs de ces traits de beauté,