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Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/701

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APPENDICE. — N° X.

le ciel], pour un homme médiocre comme pour un homme élevé, si ce n’est quand, par un héroïsme suprême, on a tout abandonné ; mais cela est certainement difficile pour un homme élevé. »

Le commencement de cette nouvelle interprétation ne diffère pas sensiblement de celle de mes devanciers ; mais je crois qu’elle est obtenue par des moyens plus rigoureux, et qui satisfont mieux au besoin de précision qu’il est indispensable de porter dans l’examen de ces anciens monuments. Je remarquerai d’abord, avec M. Wilson, que les cas ne sont pas soigneusement distingués dans ce texte ; car, à moins de faire un neutre de kîti, ce qui ne me paraît pas possible, on doit lire kîtim̃ à l’accusatif ; mais l’anusvâra est omis à tout instant dans ces inscriptions, et cette omission n’est peut-être pas toujours du fait du graveur indigène. Le mot le plus important de ce passage est mahâthâvahâ, que je lis de cette manière avec la copie de Westergaard. Laissant ce mot entier et tel que le donne l’inscription, j’y vois l’altération très-légère du sanscrit mahârthâvahâḥ, « apportant un grand avantage. » Prinsep, qui avait su reconnaître mahârtha, était bien près de l’interprétation véritable ; mais comme il lisait la fin du mot vahi et qu’il la séparait de mahâthâ, il ne pouvait y reconnaître le sanscrit âvaha, « qui apporte. » Je n’insiste pas sur mañatê, que le texte de Kapur-di-giri lit mañati ; la leçon de Girnar est plus conforme à la régularité de la conjugaison sanscrite du radical man.

Viennent ensuite les mots añata ladâptanô, tels que les donne Westergaard. M. Wilson a conjecturé, avec raison je crois, que le mot âptanô répondait à âttanô, « de lui-même ; » il ne devait cependant pas attribuer cette leçon à la copie de Westergaard, où on lit distinctement âptanô et non âttanô. La conjecture de M. Wilson n’en est pas moins très-légitime, mais seulement par les raisons suivantes. Je remarquerai d’abord avec Lassen, que le groupe pta doit probablement se lire tpa[1] comme yva doit se lire vya, et comme le groupe écrit ṭsê, qui se lit sṭê ; ces anomalies d’orthographe résultantes du déplacement d’une lettre avaient déjà été remarquées par Prinsep. Il résulte de cette lecture âtpanô, qui est plus près du sanscrit âtmanô que du pâli âttanô, qu’il faudrait nécessairement écrire par un a bref initial. Et j’ajoute en passant que cette orthographe, que nous ne trouvons encore qu’à Girnar, nous montre le passage du sanscrit âtman aux formes altérées comme appa et appâna[2], qui en prâcrit et dans quelques dialectes populaires d’origine sanscrite jouent le rôle de pronom réfléchi. Quel sens donne-

  1. Indisch. Alterthumsk. t. II, p. 227, note 4.
  2. Lassen, Instit. ling. pracrit. à l’index. Cette manière d’interpréter le groupe tpâ jette, si je ne me trompe, un jour nouveau sur un terme controversé et sur un passage qui a fort embarrassé Prinsep et Wilson ; il s’agit du commencement du premier édit de Girnar, que M. Wilson, d’après la copie rectifiée de Westergaard, transcrit ainsi : idha na kam̃tchi djîvam̃ ârabittâ padjuhitavyam̃. Après plusieurs hypothèses, M. Wilson a supposé que ce terme pouvait représenter le participe indéclinable ârabhitvâ, « ayant mis à mort ; » quoique, dit-il, la forme serait irrégulière en ce que le pâli et le prâcrit suivent le type sanscrit, et qu’il faudrait régulièrement ârabhya ou ârabhia. (Wilson, Journ. asiat. Soc. of Great-Britain, t. XII, p. 160.) Cette dernière assertion est une inexactitude en fait, et il suffit de parcourir les premières pages du Mahâvam̃sa pour se convaincre que le pâli ne se conforme en aucune façon à la règle du sans-