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Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/705

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APPENDICE. — N° X.

copie de Westergaard, qui a jeté beaucoup de lumière sur plusieurs points de ces monuments obscurs, nous donne ici, si je ne me trompe, une leçon excellente. Je remarque en effet, sous le 𑀙 tcha du mot que les diverses copies lisent tchhadakêna ou vadakêna, un prolongement de la ligne traversant le corps de la lettre, de cette manière Syllabe tchhu en brahmi, ce qui forme la syllabe tchhu et donne le mot tchhudakêna, véritable prâcritisme du sanscrit kchudrahêna[1]. En réunissant ce terme à celui, qui suit, on aura tchhudakênava djanêna, « même par un homme de peu. » Ce qui donne à cette explication toute la certitude désirable, c’est que la version de Dhauli, une ligne plus bas, au lieu de tchhudakêna, lit khudakêna, ce qui est exactement la forme pâlie khuddakêna du sanscrit kchudrakêna supposé tout à l’heure. Cette explication décide de la signification du terme difficile usaṭêna qui suit djanêna. Ce mot doit être un adjectif également en rapport avec djanêna ; en pâli ce devrait être ussata ou bien ussita, pour le sanscrit utchtchhrĭta, « élevé, éminent, » juste l’opposé de kchudraka, « petit, bas. » La version de Dhauli vient encore ici à notre secours ; car après khudakêna elle ajoute pasaṭênava usaṭênatcha, que l’on peut corriger ainsi, pasaṭêna usaṭênavâ, « soit par un homme illustre, élevé. » En effet pasaṭêna, qui ne peut être autre chose que le sanscrit praçastêna, se rapporte mieux à usaṭêna qu’à khudakêna, auquel il ne serait possible de le rattacher qu’en lisant apasaṭêna, « non illustre. » Quant au monosyllabe va, qui dans nos inscriptions comme en pâli est ordinairement le reste de êva devenu enclitique, j’aimerais à le lire , et alors je traduirais : « mais certes cela est difficile à exécuter, soit par l’homme humble, soit par l’homme élevé, — autrement que par un héroïsme suprême, après avoir tout abandonné. » Telle est, en effet, la version littérale de la phrase qui suit, où añata est pour anyatra, « sauf, excepté, » agêna pour agrêna, « suprême, éminent, » paritchadjitpâ pour parityadjitvâ, ayant abandonné complètement, » le groupe Ligature ptâ en brahmi ptâ devant se lire tpa pour tvâ, selon la remarque judicieuse de Lassen, déjà indiquée plus haut[2].

Après ce verbe, la formule êta ta khô recommence une nouvelle et dernière proposition où je lis tu au lieu de ta. « mais cela certainement, » usaṭêna dukaram̃, « est difficile à exécuter par un homme en dignité, » de sorte que l’enchaînement des idées procède ainsi : le roi ne désire de gloire que pour l’autre monde, ses efforts n’ont pas d’autre but ; mais c’est là une œuvre difficile pour l’homme, qu’il soit humble ou élevé, à moins que par un héroïsme suprême il n’abandonne tout, c’est-à-dire, selon toute apparence, qu’il ne renonce au monde et se fasse Religieux ; mais cela même n’est pas facile pour un homme d’une position élevée. C’est là, comme on voit, une série d’idées parfaitement buddhiques et tout à fait d’accord avec les expressions d’une légende que j’ai eu occasion de citer ailleurs, sur les difficultés que rencontre un homme éminent, s’il veut renoncer au monde et se faire Religieux[3].

Parmi les points divers que j’ai essayé d’établir dans le cours de cette discussion, il en est un sur lequel je crois nécessaire d’insister, parce qu’il embrasse à la fois, et une valeur graphique nouvelle, et une traduction qui ne l’est pas moins. Je veux parler du mot

  1. Lassen, Inst. ling. pracrit. p. 263.
  2. Indische Alterthumsk. t. II, p. 227, note 4.
  3. Introd. à l’hist. du Buddh. Indien, t. I, p. 197.