Ce texte est si semblable à celui du Lalita vistara, qu’il est avéré pour moi qu’ils partent l’un et l’autre d’un même original ; mais dire lequel est le plus ancien des deux, c’est là un point qui ne me paraît pas aussi facile. Il n’y a rien d’impossible à ce qu’ils aient eu cours ensemble, dès les premiers temps du Buddhisme, dans des classes différentes de la société ; car la croyance particulière qu’ils développent prouve qu’ils doivent être anciens. Quant à la traduction du texte pâli, on la trouvera dans celle que j’ai donnée plus haut du Sâmañña phala[2] ; elle ne diffère que par quelques nuances peu importantes de celle que je viens de proposer pour le passage correspondant du Lalita vistara. Une autre remarque qu’il n’est pas inutile de faire, c’est que la partie du texte par laquelle le Buddha est supposé exprimer les résultats de sa vue divine, est donnée sous la forme d’un discours que le sage adresse à des auditeurs qui ne sont pas nommés. Cela est prouvé par l’emploi que fait le Lalita vistara des deux formules interpellatives bhôḥ et bhavantaḥ, dont l’une s’adresse à une seule personne, et l’autre à plusieurs. Je ne veux pas conclure de là que ce texte relatif à la vue divine soit composé de deux fragments, l’un emprunté à quelque discours du Buddha, l’autre résultant du travail de compilation qui a réuni en un corps les ouvrages que nous possédons aujourd’hui sous le nom de Çâkya. Je constate seulement avec quelle facilité toutes les doctrines prennent dans ces ouvrages la forme de la prédication, preuve manifeste que c’est en réalité sous cette forme même que le Buddhisme se produisit à son origine.
5. À côté de la vue divine vient naturellement se placer une faculté non moins surnaturelle et non moins vantée chez les Buddhistes, celle qu’avait Çâkyamuni de se rappeler ses anciennes existences. J’ai eu occasion d’en parler ailleurs, dans mon Introduction à l’histoire du Buddhisme indien[3] ; et je n’en aurais rien dit en ce moment, s’il ne m’eût paru opportun de montrer que la croyance à cette faculté surnaturelle est aussi commune chez les Buddhistes de Ceylan que chez ceux du Népâl, et qu’elle est consignée dans un texte qui est rédigé, de part et d’autre, dans des termes identiques, sauf la différence du dialecte.
- ↑ Sâmañña phala sutta, dans Dîgh. nik. f. 22 b.
- ↑ Ci-dessus, Appendice, no II, p. 479, et pour le commencement du texte, p. 476.
- ↑ T. I, p. 486.