Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/105

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Il m’est auis que je sens les alarmes,
Que premiers j’ù d’amour ; je voy les armes
Dont il s’arma en venant m’assaillir.
C’estoit mes yeus, dont tant faisois saillir
De traits, à cens qui trop me regardoient,
Et de mon arc assez ne se gardoient ;
Mais ces miens traits, ces miens yeus me défirent,
Et de vengeance estre exemple me firent.
Et me moquant, et voyant l’un aymer,
L’autre brûler et d’amour consommer :
En voyant tant de larmes espandues,
Tant de souspirs et prières perdues,
Je n’apperçu que soudein me vint prendre
Le mesme mal que je soulois reprendre :
Qui me persa d’une telle furie,
Qu’encor n’en suis après long tems guérie ;
Et meintenant me suis encor contreinte
De rafreschir d’une nouuelle pleinte
Mes maus passez. Dames, qui les lirez,
De mes regrets avec moy soupirez.
Possible, un jour je feray le semblable,
Et ayderay votre voix pitoyable
A vos trauaux et peines raconter.
Au tems perdu vainement lamenter,
Quelque rigueur qui loge en votre cœur,
Amour s’en peut un jour rendre vainqueur.
Et plus aurez lui esté ennemies,
Pis vous fera, vous sentant asseruies.
N’estimez point que l’on doiue blâmer
Celles qu’a fait Cupidon enflamer.
Autres que nous, nonobstant leur hautesse,
Ont enduré l’amoureuse rudesse :
Leur cœur hautein, leur beauté, leur lignage,
Ne les ont su préserver du seruage