Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/106

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De dur Amour : les plus nobles esprits
En sont plus fort et plus soudein espris.
Semiramis, royne tant renommée,
Qui mit en route avecques son armée
Les noirs squadrons des Ethiopiens,
Et en montrant louable exemple aus siens,
Faisoit couler de son furieus branc
Des ennemis les plus braues le sang,
Ayant encor enuie de conquerre
Tous ses voisins, ou leur mener la guerre,
Trouua Amour, qui si fort la pressa,
Qu’armes et loix vaincue elle laissa.
Ne méritoit sa royalle grandeur
Au moins auoir un moins fascheus malheur
Qu’aymer son fils ? Royne de Babylonne,
Où est ton cœur qui es combaz resonne ?
Qu’est deuenu ce fer et cet escu,
Dont tu rendois le plus braue veincu !
Où as-tu mis la marciale creste,
Qui obombroit le blond or de ta teste ?
Où est l’espée, où est cette cuirasse,
Dont tu rompois des ennemis l’audace ?
Où sont fuiz tes coursiers furieus,
Lesquels trainoient ton char victorieus ?
T’a pu si tôt un foible ennemi rompre ?
Ha pu si tôt ton cœur viril corrompre,
Que le plaisir d’armes plus ne te touche.
Mais seulement languis en une couche ?
Tu as laissé les aigreurs marciales.
Pour recouurer les douceurs géniales.
Ainsi, Amour de toy t’a estrangée,
Qu’on te diroit en un autre changée,
Donques celui lequel d’amour esprise
Pleindre me voit, que point il ne mesprise