Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/138

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Vous vivez peu de jours, mais vous vivez heureuses !
Les médisans ni les jaloux
Ne gênent point l’innocente tendresse
Que le printemps fait naître entre Zéphire et vous.
Jamais trop de délicatesse
Ne mêle d’amertume à vos plus doux plaisirs.
Que pour d’autres que vous il pousse des soupirs,
Que loin de vous il folâtre sans cesse,
Vous ne ressentez point la mortelle tristesse
Qui désole les tendres cœurs,
Lorsque pleins d’une ardeur extrême
On voit l’ingrat objet qu’on aime
Manquer d’empressement, ou s’engager ailleurs.
Pour plaire vous n’avez seulement qu’à paroître :
Plus heureuses que nous, ce n’est que le trépas
Qui vous fait perdre vos appas.
Plus heureuses que nous, vous mourez pour renaître.
Tristes réflexions, inutiles souhaits ;
Quand une fois nous cessons d’être,
Aimables fleurs, c’est pour jamais !
Un redoutable instant nous détruit sans réserve :
On ne voit au delà qu’un obscur avenir.
À peine de nos noms un léger souvenir
Parmi les hommes se conserve :
Nous rentrons pour toujours dans le parfait repos
D’où nous a tirés la nature,
Dans cette affreuse nuit qui confond les héros
Avec le lâche et le parjure,
Et dont les fiers destins, par de cruelles loix,
Ne laissent sortir qu’une fois.
Mais, hélas ! pour vouloir revivre,
La vie est-elle un bien si doux ?
Quand nous l’aimons tant, songeons-nous
De combien de chagrins sa perte nous délivre ?