Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/14

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eu une tentative intermédiaire et à peu près conciliatrice ; aucune femme ne s’en est mêlée, et les deux poètes charmants, mais trop sobres, qui l’ont tentée, Desportes et Bertaut, pris et comme étouffés entre l’échauffourée de l’un et la réforme de l’autre, n’ont guère trouvé des admirateurs, j’allais dire des imitateurs, que de nos jours. La fortune de Malherbe, si célébrée par Boileau depuis, se fit d’abord très-lentement, et dura peu comme telle. Il battit la mesure à temps, donna la note, et disparut, laissant un nom honoré et même considérable, mais des œuvres presque illisibles, tant l’inspiration en est tendue et le style efforcé, selon le mot de Tallemant. Ce que Chapelle disait à Boileau : « Tu es un bœuf qui trace péniblement son sillon, » serait plus vrai encore appliqué à Malherbe. Ses œuvres, où l’on touche toujours le rabot et la lime, et qui les imposent, aussi bien que sa vie de poète crotté et de pédant maniaque, devaient effaroucher les femmes. Une Bretonne seule l’a imité : c’est Anne de Rohan, qui en même temps que son maître, et probablement reniée par lui, composa des stances sur la mort de Henri IV. L’auteur de l’hymne royal, l’inventeur de l’ode en France, ne devait avoir qu’après sa mort des enfans qu’il pût avouer. Madame Deshoulières en fut un, Boileau fut l’autre ; mais, par une destinée singulière, il arriva que de ces deux héritiers bien directs, l’un effaça complètement son père et le raya en quelque sorte du livre de vie, et que l’autre ne l’avoua jamais pour tel, et cela par haine, je crois, de celui qui l’avait effacé. Comme poète, madame Deshoulières mérite certainement bien la large place que l’éditeur lui a faite dans son recueil ; comme résumé et choix de tous les styles de son temps, sauf les grands, elle vaut bien la peine qu’on s’y arrête un peu ici. J’imagine que, venue cinquante ans plus tôt ou plus tard, madame Deshoulières eût fait grande figure : plus tôt, elle eût aidé à la réforme de Malherbe, en eût suscité une autre peut-être ; plus tard, elle marchait, dans son genre, fort à l’aise et tout à côté, sinon au-dessus, de J.-B. Rousseau, côtoyait Voltaire dans l’épître et le madrigal, et régnait dans l’élégie. Sous Louis XIV, elle fut écrasée et renversée du premier rang auquel elle aspirait. Ne pouvant soutenir la lutte contre Racine en poésie élégiaque (Bérénice l’eût trop effacée), ni contre Boileau dans l’épître, ni contre La Fontaine dans l’apologue, elle se rejeta sur les genres secondaires et discrédités : elle rima des rondeaux façon Benserade, des sonnets sur le patron italien naguère en vogue à la cour de Louis XIII ; elle fit des madrigaux, des ballades, force idylles, et inventa la lettre en vers, après Saint-Pavin, croyons-nous. Par opposition à la gravité, au sérieux gallican